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Variations d’anniversaire

Baden-Baden
Festspielhaus
03/05/2017 -  et 4 (Regensburg), 9 (Bochum) mars 2017
Mieczyslaw Weinberg : Quintette avec piano, opus 18 (adaptation pour piano, cordes et timbales d’Andrey Pushkarev (#)
Robert Schumann : Sonate pour violon et piano n° 1 en la mineur, opus 105
Wolfgang Amadeus Mozart : Double concerto pour violon et piano (adaptation du Concerto pour flûte et harpe K. 299 par Victor Kissine

Gidon Kremer (violon), Lucas Debargue (#), Martha Argerich (piano)
Kremerata Baltica


G. Kremer, M. Argerich (© Marcus Gernsbeck/Manolo Press)


Fondée à l’initiative de Gidon Kremer, il y a tout juste vingt ans, la Kremerata Baltica (le jeu de mot d’appellation indique d’emblée le non-conformisme du projet) réunissait de jeunes talents baltes originaires d’Estonie, Lettonie et Lituanie. Des musiciens qui ont vieilli mais qui continuent dans le même esprit d’innovation et d’excellence. Leur vaste tournée européenne d’anniversaire, au cours de la saison 2016-2017, permet de les ramener durablement sous les feux de l’actualité : une formation attachante même si on a tendance à la connaître davantage par son intense activité de production discographique que par son existence réelle, d’orchestre de chambre d’environ 25 musiciens, en chair et en os.


Autre anniversaire marquant, les 70 ans de Gidon Kremer, né le 27 février 1947. Une commémoration somme toute incluse dans la précédente mais qui justifie quelques étapes à caractère plus intime, réservées cette fois à l’Allemagne (Berlin, Regensburg, Munich, Bochum, Baden-Baden, le luxueux château d’Elmau aussi...). Ceci avec deux programmes légèrement différents, où vont se croiser quelques amis de marque : Martha Argerich, le jeune pianiste français Lucas Debargue ou encore la violoniste Clara-Jumi Kang. Atmosphère détendue, répertoire sortant délibérément des sentiers battus, assurément une tournée à l’agenda chargé mais où les musiciens se sentent bien.


Première partie ardue, moins du fait du Quintette avec piano de Mieczyslaw Weinberg, une belle œuvre, qu’en raison de l’orchestration hasardeuse qui transforme cette musique de chambre en concerto pour piano et la déséquilibre. Ce travail, plutôt original au demeurant, est dû à Andrey Pushkarev, lui-même percussionniste de la Kremerata Baltica. La distribution des lignes de cordes tantôt à l’effectif complet tantôt à quelques solistes, un peu à la manière d’un concerto grosso moderne, tente de varier les éclairages mais renforce surtout une impression de discours disparate voire qui tourne en rond avec une certaine incapacité à développer. De surcroît les cordes au complet ont souvent tendance à couvrir le piano, qui perd dès lors son rôle moteur. Malgré l’excellent travail de Lucas Debargue, qui tente au maximum de clarifier sa partie, l’intérêt fléchit dans les quatrième et cinquième mouvements. Des pages pourtant originales dans leur démarche raréfiée (il est vivement conseillé de les écouter dans l’effectif d’origine), mais plutôt déguisées que valorisées. Pendant ces longs instants qui tentent de dilater la perception musicale, le public tousse et s’agite. Manifestement ce n’est pas essentiellement pour ce préambule qu’il est venu.


Après l’entracte on entre dans le vif du sujet avec l’arrivée de Gidon Kremer, drapé dans une chemise noire d’une longueur interminable, qui lui tombe quasiment aux genoux, et Martha Argerich, jupe longue à fleurs, crinière blanche léonine et démarche décidée qui dissimule toujours aussi mal un certain trac. Petite affaire de tabouret aussi, avant de commencer, la pianiste paraissant ostensiblement mécontente de celui sur lequel elle s’assoit. Instable ? Trop glissant sur le sol ? Quelques raclements répétitifs et peu discrets de reprise d’équilibre sur ledit tabouret au cours de l’exécution de la Première Sonate pour violon et piano de Schumann font craindre une interruption du concert ensuite, le temps de fouiller le Festspielhaus pour trouver une solution de remplacement. Mais finalement non, la pianiste se contentant de regagner sa place et de se rééquilibrer de temps à autre sur son support indocile.


Milieu de concert intime, donc, dialogue entre deux tempéraments forts qui ont pris de longue date l’habitude de jouer ensemble, mais sans rien concéder de leur individualité. Violon incisif, imaginatif, tout en tensions et en déliés, mais dont la beauté de sonorité n’est pas le premier souci. Piano plus enveloppant, toujours aussi souverain dans l’étagement des plans, avec ces somptueux « coups de patte » qui restent l’apanage immédiatement reconnaissable de la pianiste argentine. Un discours schumannien extrêmement vivant mais inattendu, d’une instabilité certainement pas hors de propos mais qui bouscule les habitudes. En tout cas une passionnante rencontre au sommet.


L’association du piano et du violon en concerto est une configuration rarissime, si l’on excepte de rares œuvres des jeunes Mendelssohn et Mozart (pour ce dernier une simple esquisse, habilement complétée par Philip Wilby), à vrai dire d’un poids musical très léger. D’où l’idée de s’approprier le beaucoup plus célèbre Concerto pour flûte et harpe, travail confié au compositeur Victor Kissine, fréquemment sollicité quand la Kremerata Baltica explore ce genre de chemins de traverse. Un arrangement qui reste littéral, hormis des cadences nouvellement écrites, et dont la principale difficulté a été vraisemblablement l’adaptation de la partie de harpe au piano. Y écouter des artistes d’un tel format est évidemment un plaisir rare, même si l’on peut penser qu’une partie de l’intérêt de cette musique galante reste tributaire de sa formation instrumentale d’origine.


Occasion festive oblige, les bis sont abondants. Un frémissant Jeanne & Paul d’Astor Piazzolla, où les déhanchements du violon répondent aux fulgurantes décharges d’énergie latines du piano, «Laideronnette» de Ma mère l’Oye de Ravel, quatre mains associant Argerich et Debargue, et enfin quelques unes des amusantes Happy Birthday- Variations de Peter Heinrich. Le thème «Joyeux anniversaire» mis à toutes les sauces : polka/valse, musique de film, ragtime, tango, czardas... quelques petits joyaux d’humour musical, genre dont Kremer s’est toujours montré friand.


Le site de la Kremerata Baltica



Laurent Barthel

 

 

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