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Lyon
Opéra
03/18/2017 -  et 21, 25, 28 mars, 2, 5 avril 2017
Richard Wagner : Tristan und Isolde
Daniel Kirch (Tristan), Ann Petersen (Isolde), Christof Fischesser (Le roi Marke), Alejandro Marco-Buhrmester (Kurwenal), Thomas Piffka (Melot), Eve-Maud Hubeaux (Brangäne), Patrick Grahl (Le jeune matelot, Le berger), Paolo Stupenengo (Un timonier)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Philip White (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Hartmut Haenchen (direction musicale)
Heiner Müller (mise en scène, réalisée par Stephan Suschke), Erich Wonder (décors, recréés par Kaspar Glarner), Yohji Yamamoto (costumes), Manfred Voss (lumières, recréées par Ulrich Niepel)


A. Petersen (© Bertrand Stofleth)


Des trois productions historiques choisies par Serge Dorny pour illustrer son festival «Mémoires» (voir par ailleurs Le Couronnement de Poppée et Elektra), c’est peut-être la reprise du Tristan et Isolde de Heiner Müller monté en 1993 pour le festival de Bayreuth qui aura été la moins démonstrative.


Peut-être ce Tristan qui succédait à celui de Ponnelle et est resté cinq étés à l’affiche a-t-il été trop marqué par ses interprètes principaux, Waltraud Meier et Siegfried Jerusalem, ainsi que par son chef, Daniel Barenboim? Peut-être la modernité esthétique du décor d’Erich Wonder et l’audace des éclairages de Manfred Voss ont-elles été surpassées? La très profonde originalité des costumes japonisants de Yohji Yamamoto, couturier japonais établi à Paris, est certainement la seule à avoir traversé les ans sans avoir été égalée.


Mais tout cela n’est que relatif car la direction de Heiner Müller reste une formidable leçon de théâtre, reprise par Stephan Suschke, son assistant au Berliner Ensemble et à Bayreuth, qui a été le metteur en scène de facto de toutes les reprises jusqu’en 1999, Müller (dont c’était la première et demeurée seule mise en scène d’opéra) étant décédé en 1995. Direction d’acteurs millimétrique dans laquelle les déplacements sur scène rappellent la stratégie du jeu d’échecs. Autant que dans l’Elektra de Ruth Berghaus, on est dans la plus pure lignée du théâtre de Brecht.


Si la production a été filmée en 1995 par Unitel (deux DVD Deutsche Grammophon), l’enregistrement ne rend pas justice, comme on a pu le voir à Lyon, à ce flou visuel dû au tulle qui sépare la scène des spectateurs et que les éclairages au travers de structures géométriques très sophistiquées rendent plus ou moins intense.


Il est difficile d’égaler le niveau musical du Bayreuth de l’époque mais la distribution réunie à Lyon n’avait à rougir devant personne. Avec une troublante ressemblance avec Waltraud Meier, Ann Petersen reprend le rôle d’Isolde dans lequel elle avait débuté sur la même scène en 2011. Quoique annoncée malade à la première, elle a donné une interprétation très intense et dramatique et tout à fait rendu justice à l’abstraction de la direction d’acteurs si difficile pour les deux amants au deuxième acte. Le Tristan de Daniel Kirch n’était pas du même niveau, véritable point faible de la distribution, incapable de passer au-dessus du flot orchestral et, quand celui ci se montre plus clément, montrant une voix terne, assez pauvre de diction et sans aucun charme. Le Roi Marke de Christof Fischesser était un exemple de diction et d’une très belle humanité. Lui aussi annoncé malade, le Kurwenal d’Alejandro Marco-Buhrmester l’était vraiment. La Brangäne d’Eve Maud Hubeaux rivalisait de splendeur vocale et de dramatisme avec sa maîtresse.


La direction de Hartmut Haenchen, même si elle ne cherche pas à atteindre des alchimies sonores inouïes comme Barenboim ou Salonen, est un exemple de direction théâtrale, menant l’orchestre à bon port pendant toute la représentation, jusqu’à atteindre des paroxysmes magnifiques au dernier acte. L’Orchestre de l’Opéra de Lyon a une fois de plus montré sa suprématie dans ce répertoire.


Le pari de Serge Dorny, s’il en est un, est largement gagnant montrant avec une cruelle évidence que les productions réalisées hors mode, hors «modernité», dans des conditions théâtrales exemplaires et par des artistes ayant une véritable réflexion sur l’œuvre, peuvent durer des décennies sans perdre de leur intensité, pour peu que certaines conditions de reprise soient respectées afin qu’elle ne sombrent pas, comme cela arrive dans certains théâtres, dans la routine du répertoire. Et cela pose la question de l’éphémère, avec la tendance actuelle qui veut qu’une production ne soit conçue que pour durer parfois pas plus d’une ou deux saisons et dont la modernité supposée se démode aussitôt montrée une fois.


Le prochain festival de l’Opéra de Lyon en mars et avril 2018 sera entièrement consacré à Verdi, avec la reprise de la production du Macbeth de 2012 réalisée par Ivo van Hove (qui réalisera aussi Le Journal d’un disparu de Janácek) et un Don Carlos en français, annoncé comme la version la plus complète possible, dans une mise en scène de Christophe Honoré. Une version de concert d’Attila complètera cette affiche, les trois opéras étant dirigés par le nouveau directeur musical, Daniele Rustioni. Au programme de la saison 2017/2018 figurent aussi de nouvelles productions du Cercle de craie de Zemlinsky (dirigé par Lothar Koenigs), de La Cenerentola de Rossini (mise en scène de Stefan Herheim) et de Germania d’Alexander Raskatov.



Olivier Brunel

 

 

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