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Rondo rutilant Vienna Konzerthaus 03/08/2017 - Johann Sebastian Bach : Sonate pour violon et clavier n° 6, BWV 1019
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate pour violon et piano n° 41, K. 481
Antón García Abril : Partita 5 «Reflexive»
Hans Peter Türk : Träume
Franz Schubert : Rondo brillant, D. 895 Hilary Hahn (violon), Robert Levin (piano)
Paul Klee: Notebooks Vol.1 The Thinking Eye Adagio BWV1019
La perfection technique est immuable, mais l’impact émotif varie au cours de ce récital. Avec des tempos étonnamment rapides, Hilary Hahn et Robert Levin semblent souvent donner l’impression de vouloir expédier cette première partie de programme au plus vite. Cette vitesse ne serait pas rédhibitoire si elle n’impactait pas la respiration des œuvres: c’est là sans doute que réside le nœud du problème – à force d’appuyer sur la manette des gaz, les rares moments de détente ne parviennent plus à se fondre dans la musique. La virtuosité des interprètes, capables sans transpirer de jouer au double du tempo, n’y fait rien: il reste un goût de désinvolture bravache dans les phrasés, les artistes semblant regretter le manque de difficultés instrumentales. Cela devient particulièrement apparent dans l’exposé du thème des variations de la sonate de Mozart, dont le caractère simplet devient cruellement apparent dans son écrin de splendeur interprétative. Le fait que le piano de Robert Levin adopte un son opaque, suivi de loin par sa partenaire qui opte pour une certaine retenue, n’aide pas à améliorer l’impression. Reste une version de luxe, soignée, lyrique mais qui manque de modestie pour remplir sa mission.
Deux pièces contemporaines, dédiée chacune aux interprètes, rouvraient le programme après l’entracte: un excellent choix d’œuvres, complémentaires l’une de l’autre, et pleinement servies par leurs dédicataires. La Partita d’Antón García Abril (né en 1933) offre un enchevêtrement riche en doubles cordes, semblant parfois démultiplier l’archet de la violoniste – et quel contrôle des attaques, de la densité du timbre! La pièce de Hans Peter Türk (né en 1940) est traversée, elle, de leitmotivs obsédants, répartis dans des registres parfois extrêmes du clavier, servis par la régularité rythmique sans faille de Levin.
Tous les éléments sont désormais en place pour embraser la salle dans un Rondo brillant de Schubert férocement exalté: voilà en effet une des rares œuvres du compositeur ouvertement virtuose. La juxtaposition resserrée des thèmes complexes s’emboîte comme les pièces d’un puzzle sous les doigts des deux américains. Théâtralité, nostalgie, frissons dramatiques sur fond de viennoiserie – tout y est: les ruptures soudaines voulues par Schubert, (presque) toujours exécutées avec un soupçon de maladresse par des interprètes moins furieusement engagés, trouvent enfin une signification absolue. On comprend mieux l’empressement des interprètes à expédier les sonates de Bach et Mozart: la brillance de ce rondo aura finalement contaminé l’ensemble du concert.
Dimitri Finker
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