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La maturité de Rafal Blechacz

Paris
Philharmonie
03/06/2017 -  
Johann Sebastian Bach : Quatre Duos, BWV 802 à 805
Ludwig van Beethoven : Rondo en sol majeur, opus 51 n° 2 – Sonate pour piano n° 3, opus 2 n° 3
Frédéric Chopin : Fantaisie en fa mineur, opus 49 – Nocturne en fa dièse mineur, opus 48 n° 2 – Sonate pour piano n° 2, opus 35

Rafal Blechacz (piano)


R. Blechacz (© Marco Borggreve)


Un récital à Pleyel, en 2014, ne nous avait pas convaincu : du piano d’enfant sage, bon chic bon genre. Peut-être n’avait-il pas donné toute sa mesure. A la Philharmonie, on vient de retrouver Rafal Blechacz, qui, s’il garde toujours son air d’adolescent, n’a cessé de mûrir depuis sa victoire au Concours Chopin... de 2005. Inventifs et colorés, jamais didactiques, les Quatre duos de Bach musardent, la volubilité du Deuxième n’empêche pas les clairs-obscurs, le Troisième a du piquant – ils figurent dans son récital Bach, qu’il faut écouter. Le Rondo en sol majeur de Beethoven échappe à la monotonie grâce à un art du rebond et à une variation continue des atmosphères, qui confirme la richesse de la palette chromatique : le Polonais ne joue pas seulement sur la dynamique, mais sur le timbre. La Troisième Sonate de Beethoven, ensuite, témoigne d’une maîtrise de la forme, à travers la continuité entretenue entre les quatre mouvements. Dans l’Allegro vivace initial, l’énergie juvénile laisse parfois la place au rêve, qui nimbe le chant très pur du Largo appassionato. Cette pureté quasi belcantiste n’est cependant pas fadeur et le piano, dans la verticalité, a des sonorités orchestrales – ou rappelle l’orgue, que Blechacz a également travaillé. Le jeu reste toujours très concentré, rebelle à l’effet, à la flamboyance tapageuse, en particulier dans le Scherzo et le final, qui bondissent sans se cabrer. Ainsi, la fraîcheur de la partition se préserve et l’on reste près de Haydn, le dédicataire.


N’attendons donc pas, malgré des doigts très sûrs, un Chopin à la virtuosité flamboyante, d’un romantisme prométhéen. Même le pianiste n’en élude pas la puissance, la Fantaisie penche plutôt du côté d’Apollon, fidèle à l’attachement de Chopin au classicisme. Le Nocturne opus 48 n° 2 confirme l’art de galber la ligne de chant sur le modèle de la cantilène bellinienne – magnifique vaporisation de la sonorité à la fin. La Deuxième Sonate est sombre mais pas noire, très tenue surtout. Pas d’embardée dans le Scherzo, pas de pesanteur dans la Marche funèbre, pas de course à l’abîme dans le final – dont l’unisson des deux mains montre, comme toute la Sonate, une impeccable maîtrise technique. Errance crépusculaire, moins hallucinée qu’hagarde, d’autant plus désespérée. On pense à une certaine école polonaise, où la profondeur s’exprime avec une élégance naturelle, où le rubato semble couler de source, où l’émotion répugne à l’impudeur, celle qu’incarnait un Stefan Askenase.


Le premier bis, la Valse en do dièse mineur, prolonge ainsi la Sonate. Déjà bis à Pleyel, le Scherzo de la Deuxième Sonate de Beethoven, plein d’humour pétillant, fait enfin jaillir la lumière.



Didier van Moere

 

 

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