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Min is max Vienna Konzerthaus 03/07/2017 - Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor n° 15, K. 417b [421]
Alban Berg : Quatuor, opus 3
Antonín Dvorák: Quatuor n° 11, opus 61, B. 121 Quatuor Emerson: Eugene Drucker, Philip Setzer (violons), Lawrence Dutton (alto), Paul Watkins (violoncelle)
Le Quatuor Emerson (© Lisa-Marie Mazzucco)
Le Quatuor Emerson fait partie de ces interprètes qui, alors qu’ils semblent disparaître derrière la partition, l’imprègnent en fait de manière implacable: se reposant une combinaison de sobriété, de respect du compositeur, d’intelligence de lecture, de choix esthétiques cohérents. Ccette classe de musiciens devient relativement rare: il est certes plus difficile de briller dans le dépouillement que de triompher dans l’excès; parions qu’il y aura certainement moins de Philippe Herreweghe dans les années à venir que de Teodor Currentzis.
Le quatuor de Mozart qui ouvre le programme semble quasiment paradoxal, joué avec une lenteur assumée, empreinte de solennité, au sein de gradations dynamiques contenues: tous les ingrédients étaient réunis pour un moment d’ennui. Rien de tel! Tout comme un orateur expérimenté sait imposer le silence à son auditoire en baissant la voix, cette économie de moyens force l’auditeur à se concentrer pour extraire et jouir de chaque nuance: les attaques millimétrées, le legato velouté, la riche polyphonie des lignes.
Changement complet de registre sonore dans Berg, nettement plus incisif, foisonnant d’intensité et de fulgurances. Là aussi, la rigueur absolue dans la pulsation est l’une des clefs de voûte de la lecture. Le quatuor de Dvorák, enfin, est délivré avec splendeur, et parvient à ménager avec beaucoup de naturel des espaces de respiration – sauvant l’auditeur du risque d’asphyxie qui le guette quand cette partition-fleuve est jouée par des interprètes moins regardants.
Etonnamment, les imperfections formelles qui émaillent ce concert (une intonation parfois controversable, des finitions pas toujours impeccables) ne gâchent pas une seconde le plaisir musical qui se dégage de l’ensemble; on ne peut que s’émerveiller du renouvellement infini des couleurs, de la fluidité fusionnelle des pupitres, de la classe vaguement aristocratique des interprètes. Une intensité crépusculaire rayonne sur scène.
Dimitri Finker
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