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« Enfin un vrai fortissimo »

Geneva
Victoria Hall
01/25/2017 -  et 26 janvier 2017
Franz Schubert: Symphonie n° 5, D. 485
Gustav Mahler: Symphonie n° 1 “Titan”

Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Nott (direction)


J. Nott (© Thomas Müller)


C’est avec la Septième Symphonie de Mahler que l’Orchestre de la Suisse Romande (OSR) a rencontré Jonathan Nott. Durant cette soirée, il avait «bousculé» ses musiciens habituellement à leur aise dans les œuvres de Debussy et Ravel afin qu’ils puissent trouver des équilibres, des dynamiques et les couleurs plus fortes.


Cette soirée est le cinquième programme que le chef anglais dirige avec ses musiciens et le deuxième en tant que leur directeur musical. Il a donc pu commencer à intégrer aussi bien les contraintes de l’acoustique de la salle du Victoria Hall tout comme les forces et faiblesses de son orchestre. Force est de dire que même si nous sommes au début d’une relation qui va encore évoluer et qui portera ses fruits sur la durée, les premiers résultats commencent à apparaître.


Jonathan Nott aborde la Cinquième Symphonie de Schubert comme une œuvre bien classique. Les tempi sont bien plus modérés que ceux qu’avait pratiqués en son temps Marek Janowski lors de ce qui était peut-être un de ses meilleures soirées genevoises. C’est un Schubert très probe qui nous est présenté ici. Le chef apporte un soin à la lisibilité des lignes et la qualité du legato. Les échanges entre violons et violoncelles-contrebasses sont réalisés avec beaucoup de soin tout comme les équilibres avec les bois (en particulier la flûte de l’excellente Sarah Rumer).


Ce qui surprend cependant sont des variations de tempo très visibles: des ralentissements un peu inattendus et une certaine tendance à apporter une légère accélération lorsque la musique est crescendo. Ces changements ne devraient pas être aussi visibles et donnent l’impression que la musique est plus une suite de très beaux moments certes très travaillés mais qui ne coulent pas d’une seule traite. Le passage aux triolets de l’Allegro vivace final apparaît ainsi comme une citation et non comme l’élément d’un développement organique. De tels choix de textures et de tempi montrent que Jonathan Nott n’est pas issu d’une génération qui, dans Mozart ou Haydn, a comme modèle ce que font des musiciens issus du baroque. Les arêtes sont moins visibles. Nous sommes plus proches ici de l’esthétique d’un Thielemann que de celle d’un Gardiner.


La seconde partie permet de retrouver Jonathan Nott dans la musique de Gustav Mahler, qui est un de ses compositeurs de prédilection. Mahler reste un compositeur peu joué par l’OSR et la dernière exécution de sa Première Symphonie remonte à quatre ans lors d’un concert donné sous la direction de Semyon Bychkov.


Le chef anglais apporte un soin particulier apporté au respect de la polyphonie de l’œuvre. Il y a dans cette musique de nombreux passages où bois, cors, trompettes, cordes jouent leurs propres parties. Nott obtient plus de lisibilité et de couleurs dans ces passages qui peuvent facilement sonner bruyant, plusieurs ensembles ne résistant pas à la facilité que représente le fait de laisser les cuivres dominer pour donner une fausse impression de force sonore. Les cordes ont tout d’un coup plus de couleurs et les tutti commencent à être plus équilibrés. Signe de ce changement, certains bois habitués à être en évidence dans des pièces françaises se retrouvent par moments trop en avant et les cordes devraient gagner à mieux varier les nuances douces, à ce que pianissimo, piano et mezzo forte soient bien distincts. Mais si on se prend à se faire ce genre de remarque, c’est justement que le son de l’orchestre commence à se métamorphoser et à s’enrichir et qu’on en voudrait encore plus.


A nouveau, les passages sont caractérisés. Nott éclaire les passages dramatiques et nous donne un Mahler est habité et atmosphérique. Le premier mouvement est bien construit et les évocations wagnériennes ne sont pas loin. Le deuxième mouvement a de la force et du caractère. La « marche funèbre » surprend puisque Nott fait jouer les premières mesures qui sont normalement jouées par un contrebassiste solo par tout le pupitre. Il respecte cependant avec soin l’indication de Mahler, fondamentale mais pas toujours suivie, de ne pas faire de crescendo et donc de laisser l’orchestration parler d’elle-même. Le finale est dramatique à souhait et Nott sait que nous sommes au début d’une étape-clé de la musique qui va aller vers l’école de Vienne.


Henry-Louis de la Grange raconte dans son indispensable biographie de Mahler que celui-ci aurait visité les chutes du Niagara et se serait écrié : « Enfin, un vrai fortissimo ». Hier soir, le public genevois a peut-être entendu le début d’un nouvel OSR qui commence à maîtriser des vrais fortissimos et a applaudi son nouveau directeur musical avec un réel enthousiasme.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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