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Aux origines du théâtre dansé Paris Palais Garnier 01/04/2017 - et 5, 6 ,7, 8 janvier 2017 Impressing the Czar William Forsythe (chorégraphie), Ludwig van Beethoven, Thom Willem, Leslie Stuck & Eva Crossman-Hecht (musique)
William Forsythe, Michael Simon (décors et lumières), William Forsythe, Férial Münnich (costumes)
Joseph Hernandez, Houston Thomas, Michael Tucker (chanteurs), Helen Pickett, Raquél Martinez, Craig Davidson, Lulian Amir Lacey, Christian Bauch, Casey Ouzounis (solistes), Semperoper Ballett, Dresden
(© Laurent Philippe/Opéra national de Paris)
William Forsythe revient à Paris profitant des vacances du Ballet de l’Opéra national de Paris (BOP) au Palais Garnier avec le Ballet du Semperoper de Dresde et le très considérable Impressing the Czar, créé par le Ballet de Francfort en 1988 et au répertoire de la compagnie saxonne depuis 2015. Cette pièce, la plus emblématique de l’époque, a largement contribué à sa réputation internationale du chorégraphe américain. On ne l’avait pas vue à Paris depuis les mémorables représentations à Chaillot par les danseurs du Ballet royal de Flandre en 2011.
Grande pièce pour trente-quatre danseurs en cinq parties, elle associe danse et théâtre à un niveau jamais encore atteint à l’époque et a ouvert la porte à toute une génération de chorégraphes de la mouvance théâtre dansé pour le meilleur et pour le pire. Elle débute par le remarquable Potemkin’s Signature dans le décor éblouissant de Michael Simon, avec son échiquier géant et des costumes qui font autant référence à l’histoire de la danse (d’où le titre Impressing the Czar, car au Mariinsky, c’est le Tsar qui donnait les subsides au Ballet) qu’à celle de la peinture avec des costumes merveilleux de Férial Münnich. Le Quatorzième Quatuor de Beethoven est un substrat de luxe pour cette partie d’une inventivité théâtrale et chorégraphique foisonnante, surtout quand il revient métamorphosé dans une version électronique qui en conserve les éléments rythmiques.
Son deuxième volet, In the Middle, Somewhat Elevated, bien connu du public français car créé séparément pour le BOP en 1987 sur la musique électronique de Thom Willems, a fait le tour du monde. On passe à l’abstraction sur une scène vide surplombée par les deux cerises dorées qui sont la signature éternelle de Forsythe et neuf danseurs exécutant des figures toujours plus rapides, d’une virtuosité hallucinante, qui laissent bouche bée. A t-on fait vraiment mieux depuis?
Suit un épisode burlesque, La Maison de Mezzo-Prezzo, délirante vente aux enchères où les danseurs s’adjugent eux-mêmes. Puis s’enchaînent les deux dernières parties, Bongo Bongo Naggeela, où danseurs et danseuses déguisés en écolières anglaises se lancent dans une surprise-partie des plus échevelées au réglage chorégraphique ahurissant de précision dans son apparent désordre. Et avec Mr. Pnut goes to the Big Top, tels des rats charmés par le joueur de flûte de Hamelin, les danseurs se rangent bien sagement pour un dernier tour derrière Mr. Pnut.
L’ensemble de la compagnie du Semperoper, sous la direction d’Aaron Sean Watkin, un ancien disciple de Forsythe à Francfort qui a donné à cette compagnie qu’il dirige depuis 2006 le goût et le style de son répertoire, a montré des qualités de discipline, de virtuosité d’ensemble autant qu’individuelle, tout à fait admirables. Il faut particulièrement saluer le talent comique de Helen Pickett (Agnès), artiste invitée, et de Julian Amir Lacey (Mr. Pnut). La présence du Maître au rideau final de la première garantissait que rien n’avait été laissé au hasard pour que ces représentations de la tournée parisienne du Ballet du Semperoper soit une réussite totale.
Olivier Brunel
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