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Un Falstaff en apesanteur

Vienna
Staatsoper
12/04/2016 -  et 7, 9, 12, 15* décembre 2016
Giuseppe Verdi: Falstaff
Ambrogio Maestri (Sir John Falstaff), Ludovic Tézier (Ford), Paolo Fanale (Fenton), Herwig Pecoraro (Bardolfo), Riccardo Fassi (Pistola), Thomas Ebenstein (Dr. Cajus), Carmen Giannattasio (Alice Ford), Hila Fahima (Nannetta), Marie-Nicole Lemieux (Mrs. Quickly), Lilly Jørstad (Meg Page), Nico James (Robin), Waltraud Eigner (Doll Tearsheet)
Chor der Wiener Staatsoper, Martin Schebesta (chef de chœur), Orchester der Wiener Staatsoper, Zubin Mehta (direction)
David McVicar (mise en scène), Charles Edwards (décors), Gabrielle Dalton (costumes), Paul Keogan (lumières), Leah Hausman (chorégraphie)


A. Maestri (© Wiener Staatsoper/Michael Pöhn)


Un des luxes offert par la vie musicale viennoise est d’autoriser l’auditeur curieux à naviguer parmi les œuvres et interprètes comme le ferait un visiteur à travers les rayons d’une bibliothèque: ainsi, de la même manière que nous nous étions passés en l’espace de quelques semaines du Barbier de Séville de Paisiello à celui de Rossini, voici que le Falstaff de Salieri au Theater an der Wien précède celui de Verdi au Staatsoper. On y retrouve aussi Ambrogio Maestri dans son rôle habituel – mais toujours extraordinaire – de Falstaff (plus de 250 représentations au compteur tout de même), qui nous rappelle son incarnation récente de Don Pasquale, un personnage de même nature.


A la baguette, Zubin Mehta révèle avec agilité la formidable complexité musicale du dernier opéra de Verdi: quelle présence sonore, quel impact de l’orchestre! Les musiciens se livrent sans retenue, extrayant tout le jus sonore des cordes, ciselant leurs traits comme de fines dentelles de notes, arrachant des ricanements des tessitures graves, et embrasant le fruité de la petite harmonie. Malgré cette richesse exubérante, prédomine en fin de compte une impression d’évidence immédiate: le chef va à l’essentiel, actionnant les registres de l’orchestre avec la même facilité que le ferait un organiste face à son clavier. Les tempi sont plutôt détendus, jamais extrêmes – à vrai dire la question du tempo ne se pose pas une seule fois de manière consciente, les difficultés de la partition semblant se résoudre d’elles-mêmes.


La distribution réussit aussi la difficile synthèse entre individualité des rôles et cohérence de l’ensemble. Hila Fahima (Nannetta) est lumineuse, pure, d’une folle innocence; elle serait idéale si quelques rares moments ne laissaient paraître des fragilités passagères. Avec Paolo Fanale (Fenton) à ses côtés, ils campent un couple frais et fort émouvant. Marie-Nicole Lemieux produit une Mrs. Quickly truculente et excentrique à souhait, offrant un fort intéressant contraste avec une Carmen Giannattasio (Alice Ford) étincelante et virtuose. Le rôle de Lilly Jørstad (Meg Page) est plus discret mais non moins important, sa plasticité vocale lui permettant d’assurer le liant entre les timbres féminins. Ambrogio Maestri (Falstaff) tout comme Ludovic Tézier (Ford) impressionnent tous deux par leur palette émotionnelle et par leur capacité à transiter instantanément d’un sentiment à l’autre: du tragique à la ruse pour l’un, de l’apitoiement à la jalousie pour l’autre.


Dans la nouvelle mise en scène d’époque de David McVicar, le drame n’est jamais très loin de la comédie: on sourit souvent, on s’esclaffe plus rarement. Le dernier tableau, au pied d’un gigantesque arbre, est particulièrement réussi, nous plongeant avec onirisme dans une atmosphère shakespearienne – la musique revêtant des colorations wagnériennes, n’en déplaise aux partisans enragés des camps qui opposent wagnériens et verdistes. Tous les éléments sont ainsi réunis sur scène et dans la fosse pour faire oublier la monstrueuse difficulté de cet opéra, et faire plonger l’auditeur dans ce modèle d’art total conçu par Verdi.



Dimitri Finker

 

 

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