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«Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir»

Paris
Eglise des Billettes
12/02/2016 -  
Aaron Copland : Four Motets
Steven Stucky : Whispers
Eric Whitacre : Sleep – Lux Aurumque
Morten Lauridsen : O magnum mysterium
Morton Feldman : Christian Wolff in Cambridge
Samuel Barber : Reincarnations, opus 16 – Agnus Dei – Two Pieces, opus 42: 2. To Be Sung on the Water

Les Métaboles, Léo Warynski (direction)
Quentin Bisch (parfumeur)


L. Warynski (© Olivier Roux)


Attaché à célébrer la fratrie entre les arts et les sens, Jean des Esseintes, le décadent personnage d’A rebours de Huysmans, n’aurait pas désapprouvé l’expérience tentée par Les Métaboles et le parfumeur Quentin Bisch autour d’un programme baptisé «Une nuit américaine» (voir référence du disque ci-dessous). Cadencé en quatre temps, il se propose d’associer les notes aux fragrances: «j’essaye de corréler le parfum à l’évolution du morceau et de le composer, sachant qu’il va se modifier lui-même pendant le concert» (Quentin Bisch).


«Ombre»: en écho aux Quatre Motets (1921) d’Aaron Copland (1900-1990), on a distribué au public les «mouillettes» imbibées de parfum, subtil mélange aux teintes vespérales (odeurs de fumée... et de pop-corn). Alors élève de Nadia Boulanger, le compositeur façonne le style mélodieux et élégant qui allait faire sa renommée. Le premier motet évoque une berceuse ou quelque comptine enfantine (motif de cinq notes répétées en continu) tandis que le dernier, plus festif, fait sonner le chœur tel un carillon.


«Sommeil»: il ne s’agit naturellement pas de dormir, mais de sonder ce moment ambigu où l’on se laisse glisser «sur la pente de la rêverie». L’occasion de rendre hommage à feu Steven Stucky (1949-2016): de même que Music for the Funeral of Queen Mary (1991) revisitait Henry Purcell, Whispers (Murmures, 2002) se fonde sur une pièce de William Byrd. Un quatuor soliste et le chœur en tutti favorisent tout un jeu d’écriture. Le langage contemporain réalise une percée à travers de brefs clusters résultant de l’empilement précipité des entrées en tuilage. Après l’énigmatique Christian Wolff in Cambridge (1963) de Morton Feldman (1926-1987), sorte de matière chorale brute au déroulement hypnotique, O magnum mysterium (1994) de Morten Lauridsen (né en 1943) semble renouer avec la grandeur des anciennes polyphonies, non sans une pointe d’académisme. Sleep (2000) d’Eric Whitacre (né en 1970) est plus troublant: en dépit d’un entêtant «parfum» tonal, sans cesse contrarié par des notes ajoutées, la musique évolue de manière imprévisible.


Pour «Rêve», notre «nez», non sans se référer à la très wagnérienne dialectique d’«amour et mort», s’est inspiré de l’odeur capiteuse dégagée par la tubéreuse. Elle possède en effet quelque chose de déconcertant, l’amertume finissant par percer sous une première impression olfactive favorable. C’est aussi ce que procurent, à leur manière, les trois Réincarnations (1942) de Samuel Barber (1910-1981), même si la dernière pièce du triptyque («The Coolin’») choisit l’apaisement, bercée par son suave rythme de sicilienne. On prendra congé de cette troisième partie avec le très beau To Be Sung on the Water (1969) du même Barber, lascif comme une barque qui tangue sur les flots.


Difficile de faire sentir la «Lumière» avec laquelle le concert se referme. Quentin Bisch a opté pour une incomparable qualité de parfum constitué de «matières premières» (assez fort ressenti de carotte) tandis que s’élève le Lux Aurumque (2000) de Whitacre. La lumière, plus blanche que jaune, confère un aspect virginal aux harmonies, à l’image des premiers rayons du jour. Un tube pour finir: le célébrissime Agnus Dei (1936, arrangement choral de 1967), où se distingue, lors de la montée dans l’aigu, le remarquable pupitre de sopranos des Métaboles. Il faut dire que Léo Warynski veille au grain, en bon maître-horloger du tactus propre à chaque morceau: on perçoit un vrai tempérament de chef (d’orchestre) dans cette manière à la fois souple et charismatique de donner les entrées. Venu très nombreux, le public est manifestement sorti conquis par l’expérience, réservant un triomphe aux artistes.


«Une nuit américaine»: Les Métaboles, dir. Léo Warynski (1 disque NoMadMusic)


Le site de Léo Warynski
Le site de l’ensemble Les Métaboles



Jérémie Bigorie

 

 

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