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«A la rencontre de Gilbert Amy» (2) Paris Maison de la radio 11/05/2016 - Johann Sebastian Bach : Das Musikalische Opfer, BWV 1079: Ricercar a 6 (orchestration Anton Webern)
Olivier Messiaen : Le Tombeau resplendissant
Gilbert Amy : Concerto pour violoncelle et orchestre – L’Espace du souffle Leonard Elschenbroich (violoncelle)
Orchestre philharmonique de Radio France, Stefan Asbury (direction)
L. Elschenbroich (© Felix Broede)
«La Fuga Ricercata de Webern pourrait avantageusement remplacer Pierre et le loup ou le Boléro de Ravel comme apprentissage des instruments de l’orchestre!» écrivait Dominique Jameux. Encore faut-il une direction suffisamment incisive pour faire ressortir cette Klangfarbenmelodie («mélodie de timbres») chère au Viennois. Las, enveloppante et dénervée, celle de Stefan Asbury, à trop noyer les contours, passe à côté de l’enjeu, tandis que le «Philhar’» semble se chauffer.
Dédié à Tōru Takemitsu (1930-1996), le Concerto pour violoncelle et orchestre (2000) fut créé à Tokyo par Jean-Guihen Queyras (qui l’a enregistré pour Harmonia mundi) sous la direction de Michiyoshi Inoue. Gilbert Amy s’écarte du schéma classique tripartite au profit d’une segmentation en sept mouvements, d’allure ouvertement rhapsodique. Bien que nombreuses, les forces en présence sont exploitées avec parcimonie, le grand tutti étant réservé aux ultimes mesures. Un parfum oriental baigne le contemplatif «Lent, solennel» qui évoque, dans ses sonorités cristallines, aussi bien la musique de Takemitsu que certaines œuvres de Messiaen – on songe aux Sept Haïkaï (1962), très prisés du compositeur. Omniprésent, le soliste tire timbres de velours, harmoniques évanescents et aigus vaporeux, généralement combinés avec un pupitre particulier de l’orchestre. La harpe et les percussions se voient singulièrement sollicitées dans ce très beau concerto, défendu par un soliste impressionnant d’investissement et de virtuosité: Leonard Elschenbroich, un nom à retenir.
En dépit de son éclaircie finale, Le Tombeau resplendissant (1931) frappe par son caractère sombre et tragique. En s’opposant à de nouvelles exécutions, Olivier Messiaen avait sans doute le sentiment d’avoir davantage réussi Les Offrandes oubliées (1930) ou L’Ascension (1932). La chevauchée tonitruante du grand orchestre laisse place, dans la partie centrale, à divers solos de la petite harmonie, avant la coda en apesanteur pour cordes seules où s’affirme le cantabile des altos et des violoncelles.
«Blocs verticaux se déplaçant très lentement» (Amy), tel une enfilade de rocs majestueux figés dans la glace, le premier volet qui compose le triptyque L’Espace du souffle («trois mouvements pour orchestre», 2008) étage les sonorités sur un socle extrême grave (on remarque une clarinette contrebasse). De légers soubresauts conduisent au deuxième mouvement, Scherzando, sorte de toccata périlleuse pour les cordes et le piccolo. Introduit par les percussions, l’épilogue assume une virtuosité orchestrale débridée où les réminiscences de Messiaen, voire Honegger, peuvent surprendre de la part de l’auteur d’Orchestrahl (1989) – sans doute son chef-d’œuvre pour orchestre. En comparaison, L’Espace du souffle semblera ne pas tenir toutes ses promesses, même si l’on peut entendre dans ce final un hommage implicite aux bacchanales qui marquèrent les grandes heures de la musique française du siècle dernier, de Ravel à Ibert en passant par Roussel.
Le site de Stefan Asbury
Le site de Leonard Elschenbroich
Jérémie Bigorie
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