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Dance is a labour of love

Baden-Baden
Festspielhaus
10/08/2016 -  et 9 octobre 2016
The World of John Neumeier, Gala autobiographique de John Neumeier
Hamburg Ballett John Neumeier


(© Kiran West)


La soirée de gala, compilation de morceaux de bravoure du répertoire où toutes les étoiles de la troupe paraissent successivement, avec en pièces de résistance de nombreux pas de deux, est un rituel auquel même une compagnie aussi originale que le Ballet de Hambourg se doit de sacrifier de temps à autre. Cela dit, on peut compter sur John Neumeier pour instiller de nombreuses surprises même dans un exercice aussi prévisible a priori. The World of John Neumeier combine ainsi la nécessité anthologique avec un véritable fil conducteur, en l’occurrence l’autobiographie cursive de celui qui est devenu, en plus de quarante ans de règne, l’âme même du Ballet de Hambourg, voire localement une véritable institution à lui tout seul.


En début de soirée, John Neumeier effectue une brève apparition, porté acrobatique qui le fait tout à coup émerger d’un groupe compact de danseurs, déposé délicatement par une dizaine de bras. Après quelques phrases en direct à l’adresse du public le relais est pris par un enregistrement en voix off, tantôt en allemand tantôt en anglais : de simples et brèves indications prodiguées de temps à autre, mais toutes d’une vibrante sincérité. Occasions de rappeler ici un souvenir ou de réaffirmer là une conviction, avec la danse comme idée directrice voire comme obsession. Au danseur Lloyd Riggins, adoubé chaque année davantage comme futur/actuel directeur de la compagnie, échoit occasionnellement de personnifier le maître dans ce récit, afin de lui éviter des chorégraphies devenues trop astreignantes physiquement. Mais même ainsi, par procuration, la présence de Neumeier n’en reste pas moins impressionnante, écrasante même, tout au long de cette soirée d’exception.


Les racines américaines de Neumeier, né en 1942 à Milwaukee, Wisconsin, sont évoquées d’abord, avec l’Ouverture de Candide de Léonard Bernstein, tirée des turbulentes Bernstein Dances. Quelques petites approximations d’ensemble trahissent un extrait remonté hâtivement, et le décor, évocation stylisée des façades des défuntes Twin Towers du World Trade Center, nous rappelle l’âge de ce ballet qui, pour la petite histoire, avait déjà été dansé ici-même par le Ballet de Hambourg, lors de la toute première saison du Festspielhaus de Baden-Baden, en 1998. C’était-là pour les deux institutions le point de départ d’une collaboration ininterrompue qui nous a valu ensuite bien d’autres soirées extraordinaires. Toujours dans ce registre américain, Shall we dance, sur les Variations on «I Got Rhythm» de Gershwin, est un hommage passionné à la danse de Broadway, pas de deux inspiré par le couple Fred Astaire et Ginger Rodgers, souplement interprété par Silvia Azzoni et Alexandre Riabko.


Place à la danse académique, avec Casse-Noisette, ballet que Neumeier revisite cependant avec une tendresse toute particulière et personnelle. Entre rêve et réalité, la séquence où la jeune héroïne de 12 ans, qui n’aspire (comme Neumeier lui-même) qu’à devenir un jour part intégrante du monde de la danse et pénètre pour la première fois dans cet univers merveilleux, reste un moment magique, surtout dansé comme ici par une Hélène Bouchet enfantine et émouvante à souhait.


Beaucoup d’autres ballets vont défiler encore au cours de cette soirée, avec d’incontournables sommets : le solo déchirant du reniement de Pierre de la Passion selon saint Matthieu, superbement réincarné par Dario Franconi, le vigoureux et émouvant pas de deux masculin Opus 100, en hommage à l’ami Maurice Béjart, sur des chansons de Simon et Garfunkel (avec les prodigieux Alexandre Riabko et Ivan Urban), deux variations amoureuses particulièrement touchantes, à la fois d’un esprit assez proche et pourtant jamais à court d’inspirations nouvelles (Hamlet sur des musiques de Tippett, par Anna Laudere et Edvin Revazov, Die Kameliendame sur le Largo de la Troisième Sonate de Chopin par Alina Cojocaru et Alexandr Trusch)... A chaque fois on retrouve évidemment de très grands danseurs de la compagnie mais aussi les personnages auxquels ils donnent vie, tous différents, campés avec une extraordinaire sensibilité.


Le Neumeier plus aventureux n’est pas oublié : l’étonnant Nijinski, sur des musiques de Chopin mais traversé aussi de glaçantes interpolations de Chostakovitch pour des scènes de guerre très impressionnantes, ou encore l’inventif pas de trois extrait de Mort à Venise, ballet dont le Festspielhaus de Baden-Baden avait obtenu la primeur en 2003. Tableau apaisé enfin, avec l’Adagio de la Troisième Symphonie de Mahler, par Silvia Azzoni et le toujours athlétique Carsten Jung, pas de deux complexe, d’autres danseurs de la compagnie dessinant des figures abstraites plus en fond de scène. A l’extrême fin, Neumeier passe entre ses danseurs, tous immobilisés dans un magnifique porté d’ensemble, comme un enfant à jamais émerveillé par cet univers, avant de s’en aller lentement, seul, vers un fond de scène lumineux et vide. L’image est naïve mais toute cette soirée, par l’accomplissement même qu’elle représente, incite à un profond respect. Signalons aussi, pour terminer, la pertinence de tous les extraits musicaux choisis, même si le style de certains a parfois vieilli, enregistrements restitués dans une qualité sonore en tout cas très correcte.



Laurent Barthel

 

 

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