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Aventures nasales à Londres

London
Royal Opera House, Covent Garden
10/20/2016 -  et 24, 27 octobre, 1er*, 4 novembre 2016
Dimitri Chostakovitch: The Nose, opus 15
Martin Winkler (Platon Kuzmitch Kovaliov), John Tomlinson (Ivan Iakovlevitch, Clerc, Docteur), Rosie Aldridge (Ossipovna, Un marchand), Alexander Kravets (L’inspecteur), Alexander Lewis (Homme dans la cathédrale), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Ivan), Peter Bronder (Iaryshkin), Susan Bickley (La comtesse), Helene Schneiderman (Pelageya Podtotshina), Ailish Tynan (Sa fille), Ilan Galokov (Le Nez), Ensemble: Paul Carey Jones, Alasdair Elliott, Alan Ewing, Hubert Francis, Sion Goronwy, Njabulo Madlala, Charbel Mattar, Andrew O’Connor, Samuel Sakker, Michael J. Scott, Nicholas Sharratt, David Shipley, Jeremy White, Simon Wilding & Yuriy Yurchuk
Royal Opera Chorus, Orchestra of the Royal Opera House, Ingo Metzmacher (direction musicale)
Barrie Kosky (mise en scène), Otto Pichler (chorégraphie), Klaus Grünberg (décors et lumières)


M. Winkler (© ROH/Bill Cooper)


Nous avons tous en tête l’image d’un Chostakovitch brisé après la fameuse attaque personnelle de Staline contre son opéra Lady Macbeth. Mais ses premières pièces, que ce soit la Première Symphonie ou cet opéra Le Nez, sont des œuvres d’une rare originalité, d’un humour et d’un dynamisme qui ne laissent pas présager la tragédie que va être la vie du compositeur russe. (Je me permets de recommander par ailleurs au lecteur anglophone le livre de Julian Barnes The Noise of Time et également de conseiller au mélomane chostakovitchien un document, où Leonard Bernstein fait répéter la Première Symphonie à un orchestre de jeunes en Allemagne en expliquant comment faire ressortir le caractère profondément iconoclaste de l’œuvre).


Les représentations de cet ouvrage de jeunesse sont rares. En dépit de sa brièveté (deux heures), il comporte soixante-dix rôles. L’orchestre déjà imposant demande en plus une partie importante de percussions ainsi que plusieurs balalaïkas. Chostakovitch avait 21 ans quand il a écrit cette œuvre d’une maîtrise et d’une variété incroyables. Le texte de l’opéra est inspiré d’une nouvelle de Gogol qui raconte la mésaventure d’un bureaucrate dont le nez disparait un beau jour pour s’envoler et vivre sa vie. Après toute une série d’amusantes péripéties, le nez reviendra en place mais y restera-t-il vraiment?


Pour cette série de représentations à Londres, le Royal Opera House a demandé à David Pountney de faire une traduction du texte en anglais. Ceci donne une occasion au dramaturge britannique de pouvoir y rajouter quelques touches de modernisme pleines d’humour et cela permet surtout au public de suivre l’histoire ou tout du moins, le texte, la trame de l’œuvre restant volontairement pétillante mais fondamentalement assez confuse. Même s’il y a vers la fin une référence à l’antisémitisme de l’époque et a des références sociales, le Nez réussissant semble-t-il à avoir un statut plus élevé que son possesseur, c’est une pièce de l’absurde qu’il ne faut pas trop prendre au sérieux pour l’apprécier.


La mise en scène a été confiée à l’Australien Barrie Kosky, connu pour ses productions pleines de fantaisie et qui sera cet été à Bayreuth pour les Maîtres Chanteurs. Kosky, en grand professionnel, resserre l’action: il y a une concentration et une efficacité dans ses idées qui sont un bon pendant à l’exubérance de la musique et de l’histoire. Sa qualité de direction d’acteur est remarquable. A un moment, Kovalov, est seul sur scène et avec peu de mouvements et un jeu de lumières assez subtil, le public partage la gêne qu’il ressent. Il y a bien évidemment des passages plus grandioses et l’action y est facile à suivre en dépit de la masse de personnages sur scène. La mise en scène est pleine d’humour et ne se prend pas trop au sérieux. La chorégraphie est assez drôle avec en particulier un moment où sept nez sont en train de faire un numéro de claquettes désopilant. Chapeau au jeune Illan Galakov dans la partie dansée de ce Nez.


La direction d’Ingo Metzmacher (qui avait déjà dirigé l’opéra à Zurich) est également un des atouts de cette soirée. Le chef allemand, spécialiste de la musique de notre temps, dirige avec beaucoup de clarté et de rigueur cette musique qui sous de nombreuses baguettes pourrait devenir bruyante et échapper à tout contrôle. Dans le rôle principal, Martin Winkler délivre une prestation impressionnante. Il est probablement sur scène les trois quarts du temps et démontre une remarquable expressivité. John Tomlinson s’amuse de son texte et des différents personnages qu’il incarne. Les rôles sont dans l’ensemble distribués avec soin.


Voici une soirée de grande qualité. En dépit de la rareté et de la difficulté de l’œuvre, la salle attentive était pleine. Mes voisins et amis notaient avec une certaine amertume que cette représentation est une coproduction avec le Komische Oper de Berlin et se demandaient si le Brexit n’aurait pas un impact sur la capacité de leur opéra londonien à prendre partager des risques artistiques et monter des œuvres aussi originales. Chostakovitch, lui, en aurait fait un opéra.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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