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Aux racines de l’opéra comique

Nantes
Théâtre Graslin
09/30/2016 -  et 2, 4, 5*, 7 (Nantes), 12, 13, 14 (Angers) octobre 2016
La Guerre des théâtres, d’après La Matrone d’Ephèse de Louis Fuzelier
Marin Marais: Alcyone: Ouverture, Jean-Joseph Mouret: Les Amours de Ragonde (extraits), Jean-Philippe Rameau: Pièces en concerts: Tambourins I et II, Louis-Nicolas Clérambault: Médée (extrait parodié), Nicolas Racot de Grandval: La Matrone d’Ephèse (extraits), Michel Corrette: Concerto comique «La Servante au bon tabac» & Anonyme: Vaudevilles chantés
Sandrine Buendia (Colombine, L’Opéra), Bruno Coulon (Arlequin), Jean-Philippe Desrousseaux (La Comédie-Française, Polichinelle), Jean-François Lombard (La Matrone d’Ephèse), Arnaud Marzorati (Pierrot, Un exempt)
La Clique des Lunaisiens
Jean-Philippe Desrousseaux (conception, mise en scène et marionnettes), Arnaud Marzorati (direction artistique), François-Xavier Guinnepain (lumières), Françoise Rubellin (conseillère théâtrale)


(© Jef Rabillon)


Créé pour le tricentenaire de l’Opéra Comique, La Guerre des théâtres arrive sur les planches des Pays de la Loire pour l’ouverture scénique de la saison nantaise, après un Lohengrin en version de concert. Outre de menus aménagements, la reprise bénéficie surtout du décor historique du Théâtre de la Reine au Château de Versailles, que l’institution francilienne a, pour la première fois, fait sortir de ses murs. D’une évidente portée pédagogique, corroborée par les quelques mots d’introduction devant le rideau de Françoise Rubellin, la conseillère dramaturgique, le spectacle reconstitue la lutte des privilèges théâtraux – où l’Académie Royale de musique, à savoir l’opéra, les caisses toujours trop vides, et la Comédie-Française, alors désaffectée par le public, se battent à coup de réglementations contre le succès de la Foire – qui a donné naissance à un nouveau genre, l’opéra comique, à la fin du règne de Louis XIV.


Sur un mode ludique sensible à l’humour sinon à la parodie, la production conçue par Jean-Philippe Desrousseaux privilégie l’évocation vivante plutôt que la vérité du musée, sans se laisser confire dans une improbable authenticité historique, le tout rehaussé par les lumières de François-Xavier Guinnepain, qui participent des surprises burlesques ménagées par la soirée. A partir d’une pièce du Théâtre de la Foire, La Matrone d’Ephèse de Louis Fuzelier – le librettiste des Indes galantes de Rameau par exemple – nous sont présentées les péripéties de ses acteurs et auteurs, dans un mélange entre scène et coulisses qui joue de la complicité avec les spectateurs, jusqu’à leur faire chanter les paroles de La Servante au bon tabac, affichées sur des pancartes tirées depuis les cintres, dans une forme de karaoké avant l’heure. De format concis, le propos donne corps avec saveur aux débats théoriques et juridiques de cette confrontation artistique, en s’appuyant sur un matériau musical composite. Nonobstant quelques emprunts à la partition homonyme de la pièce prétexte due à Nicolas Racot de Granval, on ne se refuse pas l’anachronisme – certaines pages étaient déjà connues en 1715, telle Alcyone de Marin Marais, d’autres, tels les Tambourins de Rameau ou le Concerto comique de Corrette font passer le plaisir des oreilles et l’efficacité dramatique avant la vraisemblance chronologique. Assumées par les quatre pupitres de La Clique des Lunaisiens qui se passent avec à-propos de la fosse, les interventions musicales réalisent un appréciable compromis entre économie de moyens, resserrement intimiste de l’intrigue et énergie comique qui trouve au Théâtre Graslin des dimensions à sa juste mesure.


Egalement resserré, le plateau témoigne d’une belle polyvalence des talents. Instigateur du projet et de la mise en scène, Jean-Philippe Desrousseaux manie avec doigté la marionnette de Polichinelle, dont il contrefait la voix sournoise avec autant de gourmandise que l’emphase grandiloquente un rien amphigourique de la jalouse Comédie-Française. Au diapason de cette science de l’effet, primant sur l’irréprochabilité vocale, Jean-François Lombard réjouit avec les excès de la Matrone d’Ephèse. Bruno Coulon distille un Arlequin délicieusement mutin, quand Sandrine Buendia fait rayonner le charme de Colombine et de l’Opéra. Directeur artistique de l’ensemble, Arnaud Marzorati ne démérite aucunement en Pierrot – ni dans l’apparition de l’Exempt. Assurément, La Guerre des théâtres réussit à faire rimer savoir et divertissement, et l’on ne peut que saluer l’accueil nantais, invitation à une tournée plus ample.



Gilles Charlassier

 

 

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