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Passionnément Paris Maison de la radio 10/08/2016 - Hector Berlioz : Roméo et Juliette, opus 17 Géraldine Chauvet (mezzo), Yann Beuron (ténor), Henk Neven (baryton)
Chœur de Radio France, Nicolas Fink (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Radio France, Jukka-Pekka Saraste (direction)
J.-P. Saraste
Jukka-Pekka Saraste appartient à la même génération de chefs finlandais qu’Esa-Pekka Salonen. Formé tous deux, et comme beaucoup de grands chefs actuels, par le grand pédagogue finlandais Jorma Panula, il mène une carrière plus modeste et est moins présent à Paris que le directeur actuel de l’Orchestre Philharmonia. Il est toutefois régulièrement invité par l’Orchestre philharmonique de Radio France qui vient, sous sa direction, de nous offrir un magnifique Roméo et Juliette.
La direction passionnée, précise et tendue de Jukka-Pekka Saraste convient magnifiquement à cette partition où il est surtout question d’amour, de mort et de vengeance. Sous sa baguette ferme, parfois autoritaire mais sachant rattraper rapidement de microscopiques décalages (notamment dans le si redoutable début), l’Orchestre philharmonique de Radio France se surpasse: violons chaleureux et précis, violoncelles chantants comme rarement, incroyables pizzicati suspendus des contrebasses, bel unisson des trombones, tout sonne beau riche et est pleinement assumé, jusqu’à de vraies prises de risques dans une musique extrêmement complexe et qui en annonce beaucoup d’autres. Chaque instrumentiste suit Jukka-Pekka Saraste avec un évident et communicatif enthousiasme: il suffit pour s’en convaincre de regarder les bois jouant souvent les uns penchés vers les autres. Parmi ces bois, Olivier Doise, notamment dans le début de la deuxième partie, réussit à émouvoir lors de chacune de ces interventions. En somme, une magnifique démonstration d’orchestre.
Des trois solistes, seul Yann Beuron tire son épingle du jeu avec une présence, une diction et un investissement qui capturent d’emblée l’auditoire. L’acteur n’est jamais très loin derrière ce magnifique chanteur qui vit son texte autant qu’il le chante. On aurait aimé pouvoir en dire autant de Géraldine Chauvet mais son chant ne touche pas. Quant au Père Laurence du Néerlandais Henk Neven, et même si le français est impeccable et la ligne bien construite, sa projection est insuffisante pour un rôle qui requiert autorité et charisme.
Préparé par un chef de chœur invité Nicolas Fink, habitué à diriger les grands chœurs professionnels de toute l’Europe, le Chœur de Radio France est égal à lui-même... à savoir inégal. Le chœur initial, chanté comme demandé par Berlioz par treize chanteurs, est une vraie réussite en termes d’intonation, de mélange des timbres et de phrasé. Le double chœur, représentant les jeunes Capulets chantant les réminiscences d’un bal, et censé être chanté hors scène, est chanté sur scène malheureusement trop fort, ce qui lui enlève beaucoup de sa magie. Lors du final, le Chœur de Radio France renoue avec ses traditionnelles limites, la puissance bien présente n’étant pas au service ni de l’expression ni de la polyphonie.
Malgré ces réserves, un magnifique Roméo et Juliette, avant tout pour l’orchestre, ce qui n’aurait sans doute pas déplu à Berlioz qui sous titrait son œuvre «symphonie dramatique avec chœurs». La direction inspirée d’un Jukka-Pekka Saraste en très grande forme et sachant obtenir le meilleur de l’Orchestre philharmonique de Radio France fut le magnifique et premier artisan de ce passionnant Roméo et Juliette.
Gilles Lesur
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