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Superbe création de George Benjamin

Paris
Philharmonie
09/28/2016 -  et 29 novembre 2016
Richard Wagner : Parsifal: Prélude
George Benjamin : Dream of the Song
Johannes Brahms : Symphonie n° 1, opus 68

Bejun Mehta (contre-ténor)
SWR Vokalensemble Stuttgart, Marcus Creed (chef de chœur), Orchestre de Paris, Daniel Harding (direction)


G. Benjamin (© Matthew Lloyd)


S’il ne brille pas spécialement par sa cohérence (pourquoi avoir choisi une symphonie de Brahms?), ce troisième concert de l’Orchestre de Paris dirigé par Daniel Harding offre une magnifique création de George Benjamin en même temps qu’il permet à la complicité qui unit les musiciens et leur nouveau directeur musical de s’approfondir.


Le Prélude de Parsifal atteste du niveau toujours superlatif de l’orchestre: miroitement des vents, onctuosité des cuivres, parfait fondu des doublures (cor/violoncelles). Harding atteint une noble intensité – quitte à surjouer un peu des dynamiques – et parvient à insuffler ce mystère sacré cher à Richard Wagner.


George Benjamin (né en 1960) a évolué depuis ses premières œuvres, fruits de l’enfant prodige au visage poupin adoubé par Olivier Messiaen et Pierre Boulez. A l’instar de ce dernier hier ou d’un Matthias Pintscher aujourd’hui, il partage son activité entre la composition et la direction d’orchestre. Une dispersion heureuse si l’on en croit ses derniers opus qui, tel Written on Skin (2012), font montre d’une écriture fluide, libérée de certains automatismes atonaux de l’avant-garde (les sauts d’intervalles d’un registre extrême à l’autre), et se distinguent par la finesse de l’orchestration. Dream of the Song s’impose, avec Palimpsests (il existe un enregistrement remarquable de l’Orchestre de la Radio bavaroise dirigé par le compositeur chez Neos), comme l’une de ses œuvres les plus belles et les plus accessibles. Fondée sur «des vers écrits par trois poètes qui ont en commun d’avoir passé leurs années de formation à Grenade», elle mêle des écrivains hébreux (traduits en anglais) du XIe siècle au mieux connu Federico García Lorca. Les premiers sont chantés par le contre-ténor, le second par un chœur de femmes (l’excellent chœur de la Radio de Stuttgart). L’occasion pour Benjamin de suggérer l’art mauresque de la ville andalouse par une fine écriture mélismatique pour les vents, renforcée par les claviers, mais qui ne s’interdit pas la violence («elle tue comme une flèche»). La gravité fait son apparition dans la deuxième pièce, riche en pédales où l’on retrouve les larges aplats de Written on Skin. Les dissonances font irruption dans le véhément interlude, mais voici que surgissent les sonorités cristallines du levée du soleil: la délicatesse extrême des textures – le chœur de femmes agissant comme un écrin dans lequel se love le soliste – referme moins l’œuvre qu’elle ne l’ouvre sur de vastes espaces («quels déserts de lumière enfonçaient les sables de l’aube! dit le poète du Divan de Tamarit). Dream of the Song aurait-il eu le même impact s’il avait été chanté par une mezzo? Indépendamment se ses qualités intrinsèques, le succès que remporta sa création française auprès du public doit probablement beaucoup au timbre fragile, émouvant dans ces poussés fébriles, de Bejun Mehta, très applaudi.


La Première Symphonie de Brahms, sans doute l’une des plus périlleuses, prête le flanc aux interprétations. Loin d’en faire la Dixième Symphonie de Beethoven – selon le (trop) célèbre mot de Hans von Bülow – en exaltant sa dimension prométhéenne, le chef britannique apaise les conflits, engageant de sa main gauche (qui n’est pas sans évoquer celle d’Abbado) les échanges entre les pupitres. Pour bienvenue qu’elle soit dans les deux mouvements médians, dont la teinte automnale annonce les derniers opus du compositeur, sa manière pèche dans les grands massifs extrêmes par son manque de tension quand on devrait percevoir le grand arc tendu. Ces réserves mises à part, les musiciens ont fort bien joué: citons la flûte au vibrato serré de Vincent Lucas dans le final ou le beau solo de violon de Roland Daugareil dans l’Andante sostenuto.



Jérémie Bigorie

 

 

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