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Macbeth passe une mauvaise nuit

Bruxelles
Palais de la Monnaie
09/13/2016 -  et 15, 18, 21, 23, 25*, 27, 29 septembre 2016
Giuseppe Verdi: Macbeth
Scott Hendricks (Macbeth), Carlo Colombara (Banco), Béatrice Uria-Monzon (Lady Macbeth), Lies Vandewege (Dama di Lady Macbeth), Andrew Richards (Macduff), Julian Hubbard (Malcolm), Justin Hopkins (Medico, Servo, Araldo), Gérard Lavalle (Sicario), Jacques Does, Maria Portela Larisch, Boyan Delattre (Apparizioni)
Académie de chœur de la Monnaie, Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Paolo Carignani (direction)
Olivier Fredj (mise en scène, scénographie), Jean Lecointre (directeur artistique graphique), Gaspard Pinta, Massimo Troncanetti (scénographie), Frédéric Llinares (costumes), Christophe Forey (lumières), Dominique Boivin (chorégraphie)


S. Hendricks, B. Uria-Monzon (© Bernd Uhlig)


Il faut s’armer de patience. Contrairement à ce qui a été annoncé en mars, la nouvelle saison de la Monnaie se déroulera entièrement hors des murs du théâtre, à cause du retard pris par les travaux de rénovation. La programmation a dû être remaniée mais la qualité demeure élevée : pour l’essentiel, report de trois productions inadaptées au Palais de la Monnaie, Lohengrin, Lucio Silla et Le Château de Barbe-Bleue, déplacement plus tôt dans la saison de Madame Butterfly, du 31 janvier au 14 février, création de deux nouveaux spectacles, La Petite Renarde rusée, du 17 mars au 2 avril, et Aïda, du 16 mai au 4 juin, un opéra qui devrait attirer beaucoup de monde dans ce chapiteau installé sur le site de Tour & Taxis. Malgré les circonstances, il ne fait aucun doute que la maison fera de nouveau preuve d’imagination.


Olivier Fredj a intensivement réfléchi sur Macbeth. Convoquant la psychanalyse freudienne et usant de symboles, sa mise en scène contient tellement d’idées qu’il aurait fallu les trier avec encore plus de sévérité. Assumant la complexité de la pièce de Shakespeare et de l’opéra de Verdi, dont elle exploite à fond la dimension onirique, avec des transitions fluides vers le réel, elle a le mérite de conserver une certaine cohérence. Davantage que le jeu théâtral, qui repose sur une direction d’acteur soutenue, la scénographie forme un élément essentiel, voire central, du spectacle, au point de recourir un directeur artistique graphique (sic) en la personne de Jean Lecointre. La transposition dans un hôtel ne présente pas d’originalité, mais la modularité du décor et le sens du détail suscitent l’admiration – le sofa représentant un cerveau, par exemple. La tenue et la coiffure des sorcières, incarnées par des danseurs, constituent de véritables créations. Preuve de l’importance de la chorégraphie, décalée, loufoque, même, la production conserve le ballet du troisième acte.


La conclusion réserve une surprise : il s’agit du final de la version de 1847, sans le chœur conclusif, mais Macbeth fuit au lieu de mourir. Conseillée au préalable, à moins de connaître à fond la pièce et la psychanalyse, la lecture du programme permet de comprendre ce choix, ce qui pose tout de même un problème de compréhension pour ceux qui n’en disposent pas. La tentation est grande de rapprocher cette mise en scène, qui laisse d’abord sceptique avant de susciter l’intérêt, avec celle de Krzysztof Warlikowski, en 2010, qui devait à l’origine être reprise. Comparé à la proposition du metteur en scène polonais, l’exploit visuel tend à supplanter le théâtre, le drame manquant, cette fois, de force de conviction, et même d’envergure. Beaucoup d’habitués de la maison rejetteront probablement l’une et l’autre pour préférer une approche plus littérale et directe.


Par rapport aux précédentes représentations, la distribution change peu pour les rôles principaux. Scott Hendricks excelle de nouveau en Macbeth, qu’il caractérise avec beaucoup de justesse : à la beauté du timbre s’ajoutent un sens de la ligne et une projection impeccables. Carlo Colombara reprend également du service en Banco, que la basse incarne à son image, de manière imposante et noble, et Andrew Richards séduit de nouveau en Macduff, servi dans un style parfait. La distribution comporte en revanche une autre Lady. Béatrice Uria-Monzon en possède la couleur, en adopte les accents et l’intonation, parfaitement ajustés, expose son talent pour la tragédie, mais cette figure à la fois effrayante et ordinaire manque de peu de passer au second plan dans cette mise en scène qui confère, peut-être involontairement, plus de poids à son époux et aux sorcières. De bons chanteurs soignent les comprimarii.


Sous la direction de grande école de Paolo Carignani, soucieux du détail et de la forme, l’orchestre évolue à son meilleur niveau : des bois savoureux et des cuivres percutants émergent du tapis finement tressé des cordes. Le chef imprime à cet opéra majeur une tension théâtrale constante, avec une élégance et un raffinement qu’un Muti ne renierait pas. Les choristes personnifient le public, tantôt dans la salle, tantôt sur scène, assis sur des gradins semblables à ceux du Palais de la Monnaie, comme pour mieux se fondre parmi les spectateurs. Martino Faggiani accomplit, comme d’habitude avec eux, un admirable travail de fond.


Les bruits de l’extérieur demeurent un inconvénient majeur. Malgré les tentatives de les atténuer et l’effort du personnel pour accueillir le public dans les meilleurs conditions, il faudra s’accommoder des nuisances provoquées par les avions, les sirènes et la soufflerie dans Capriccio en novembre. Le retour au théâtre sera vécu comme un soulagement.



Sébastien Foucart

 

 

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