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L’autre Nelson

La Roque
Parc du château de Florans
08/01/2016 -  
Johann Sebastian Bach : Aria Variata «alla Maniera Italiana», BWV 989
Robert Schumann : Fantaisie en ut majeur, opus 17
Frédéric Chopin : Barcarolle, opus 60 – Scherzo n° 3, opus 39 – Nocturnes, opus 55 – Polonaise n° 6 «Héroïque», opus 53

Nelson Goerner (piano)


N. Goerner (© Maud Delaflotte)


La Roque-d’Anthéron demeure, chaque été, le rendez-vous incontournable des amoureux de(s) clavier(s), au parc du château de Florans, à l’abbaye de Silvacane, au Château-Bas et à Aix (Grand Théâtre de Provence, musée Granet), dans les Bouches-du-Rhône, et jusqu’à Cucuron, Gordes et Lourmarin, dans le Vaucluse. Au cours de cette trente-sixième édition du festival, du 22 juillet au 18 août, le piano, bien sûr, conserve une place prépondérante: Angelich, Berezovsky, Chamayou, Collard, Lugansky, Matsuev, Sokolov, Volodos, Zacharias, pour ne citer qu’une petite partie des artistes à l’affiche, en compagnie, le cas échéant, d’un orchestre (Kanazawa, Lyon, Marseille, Odense, Varsovie) ou d’un ensemble vocal (Vox clamantis). Et la nouvelle génération est particulièrement à l’honneur: Behzod Abduraimov, Yulianna Avdeeva, Lucas Debargue, François Dumont, Rémi Geniet, Lukas Geniusas, Benjamin Grosvenor, Antoine de Grolée, David Kadouch, Adam Laloum, Jan Lisiecki, Matan Porat, Jonas Vitaud... Mais comme de coutume, il y en a aussi pour le pianoforte (Yuri Martynov), le clavecin (Céline Frisch, Maude Gratton, Pierre Hantaï, Jean Rondeau, Justin Taylor), l’orgue (Michel Bourcier, Thomas Ospital) et le jazz (Barbara Hendricks, Baptiste Trotignon, Vincent Peirani et son quintette...). Enfin, les jeunes «ensembles en résidence» (cette année trois duos et quatre trios), bénéficiant des classes de maître assurées par leurs aînés (Olivier Charlier, Lise Berthaud, Yovan Markovitch, Claire Désert, Emmannuel Strosser, Christian Ivaldi et le Trio Wanderer), donnent des concerts gratuits dans toute la région, «de la Durance aux Alpilles».


Un Nelson – Freire – peut en cacher un autre – Goerner – même si le premier est brésilien alors que le second, comme ses aînés Martha Argerich et Daniel Barenboim, est argentin, et si leur style de jeu est on ne peut plus différent. Car si Freire est très connu et apprécié du public français, il serait légitime que la notoriété de Goerner (né en 1969) aille au-delà des cercles spécialisés, ce que confirme ce récital du soir au parc du château de Florans.


Concentré, droit comme un I, se déplaçant sur scène, mouchoir à la main, à petits pas pressés, Nelson Goerner se lance dans le rare Air varié «à la manière italienne» (1709) de Bach. Avec davantage d’esprit et de fantaisie que de chaleur, de naturel ou de couleur, il élève ces petites Goldberg au rang d’épure limpide, préservée de toute sécheresse par une exceptionnelle variété de toucher et de phrasé, alternant ou combinant staccato et legato, osant des pianissimos qui, en plein air, forcent l’attention de l’assistance, contrainte de tendre l’oreille – l’artiste est exigeant avec lui-même comme avec ses auditeurs. Sans abuser de la pédale, il tire cependant parti des potentialités du Steinway, mais ce n’est évidemment pas du grand piano romantique, d’où, peut-être, la déception – «Que c’est ch...!» – exprimée à mi-voix par un spectateur proche, avis qu’il est permis de ne pas partager.


Dans la Fantaisie (1836) de Schumann, c’est la même volonté d’aller au fond du texte, non seulement pour en restituer la lettre avec exactitude mais, comme la technique n’est jamais pour lui une fin en soi – quand bien même la puissance, toujours bien dosée, et la lisibilité avec laquelle s’étagent les différentes voix forcent l’admiration – afin d’offrir une vision très personnelle, très pensée et travaillée, d’un chef-d’œuvre du répertoire. On ne trouvera pas nécessairement ici les transes et épanchements schumanniens, mais sous des doigts, la partition, conçue comme un hommage à Beethoven et une contribution à la souscription lancée pour l’édification d’un monument à sa mémoire, tutoie, particulièrement dans l’élévation immatérielle de la dernière partie, le sublime des dernières sonates du maître de Bonn.


La seconde partie est intégralement consacrée à un florilège de pièces de Chopin, compositeur dont Nelson Goerner est familier de longue date: la Barcarolle (1846), versatile et ouvragée, le Troisième Scherzo (1839), d’un méphistophélisme lisztien – notre spectateur exigeant remarque: «Il s’est enfin réveillé!» –, les deux Nocturnes opus 55 (1843), d’une grande liberté, et la Sixième Polonaise «Héroïque» (1842), préférant le muscle au gras, d’une fierté confinant à la raideur militaire.


Les tribunes jubilent et frappent des pieds: Goerner remercie par trois bis, avec d’abord deux épigones de Chopin – le Premier des deux Poèmes opus 32 (1903) de Scriabine, d’un magnifique raffinement, et l’Etude pour la main gauche seule (1905) en la bémol de Felix Blumenfeld, où il fait oublier le tour de force pour se concentrer sur la musique –, puis avec un fervent admirateur de Chopin – «Des pas sur la neige» Premier Livre (1910) des Préludes de Debussy, sans traîner, mais aussi glaçant et saisissant que quelque Voyage d’hiver schubertien.


Le site du festival international de piano de La Roque-d’Anthéron
Le site de Nelson Goerner



Simon Corley

 

 

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