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L’art du Grand Siècle Paris Bouffes du Nord 06/14/2016 - et 17, 18, 19, 20, 21, 22 décembre 2015 (Caen), 7, 8, 10 (Versailles), 13, 14 (Aix-en-Provence), 17, 18 (Bilbao), 21, 22, 23 (Madrid), 27, 28, 29, 30 (Châteauvallon) janvier, 2, 3, 4 (Sérignan), 12 (Suresnes), 23, 24 (Genève), 26, 27 (Compiègne) février, 2 (Val-de-Reuil), 8 (Chartres), 10 (Meaux), 12 (Vichy), 15, 16 (Châlons-en-Champagne), 18 (Chelles), 30, 31 (Amiens) mars, 25, 26, 27 mai (Luxembourg), 3, 4 (Saint-Quentin-en-Yvelines), 15, 16, 17, 18, 21, 22, 23, 24, 25, 28, 29, 30 juin, 1er, 2, 5, 6, 7*, 8, 9 juillet (Paris), 26, 27 août (Thiré) 2016, 22, 23 avril 2017 (Versailles) Molière et Jean-Baptiste Lully : Monsieur de Pourceaugnac Erwin Aros (Un ragazzo, haute-contre), Clémence Boué (Nérine), Cyril Costanzo (Un apothicaire, Un avocat, basse), Claire Debono (Une Parisienne, soprano), Stéphane Facco (Un médecin, Lucette, Un Suisse), Matthieu Lécroart (Un médecin, Un avocat, baryton-basse), Juliette Léger (Julie), Gilles Privat (Monsieur de Pourceaugnac), Guillaume Ravoire (Eraste, Un Suisse), Daniel San Pedro (Sbrigani), Alain Trétout (Oronte)
Les Arts Florissants: Liv Heym (dessus de violon), Michèle Sauvé (dessus et haute-contre de violon), Samantha Montgomery (taille de violon), Jean-Luc Thonnérieux (quinte de violon), Pauline Lacambra (violoncelle, basse de violon), Tiam Goudarzi, Sébastien Marq (flûtes à bec), Thomas Dunford (théorbe), Marie-Ange Petit (percussions), William Christie* (conception musicale du spectacle, clavecin, direction musicale), Paolo Zanzu (assistant musical, direction musicale)
Clément Hervieu-Léger (mise en scène), Aurélie Maestre (décors), Caroline de Vivaise (costumes), Bertrand Couderc (lumières), Jean-Luc Ristord (son), Bruno Bouché (chorégraphie), David Carvalho Nunes (maquillage et coiffures), David Ferré et Grégoire Boucheron (régie générale et régie plateau), Fabrice Paillet (régie lumières), Olivier Hoste (régie son), Pauline Juille (habilleuse), Alice François (assistante habilleuse)
(© Brigitte Enguerand)
Alors que les matchs de football battaient leur plein en ce début de mois de juillet, le Théâtre des Bouffes du Nord affichait pendant plusieurs jours la comédie-ballet en trois actes de Molière Monsieur de Pourceaugnac qui, jouée devant Louis XIV en octobre 1669 au château de Chambord, alors que la Cour y était pour une de ces parties de chasse qui éreintait tout le monde sauf le jeune Roi-Soleil, avait remporté un très vif succès.
Succès du texte en premier lieu, bien évidemment, car comment ne pas sourire ou, plus franchement, rire aux éclats en écoutant les paroles des médecins, des avocats, de ce pauvre provincial de Pourceaugnac ridiculisé par Sbrigani pour permettre à Eraste et Julie de vivre leur amour contre la volonté du père de cette dernière, Oronte. La mise en scène imaginative et pleine d’allant de Clément Hervieu-Léger fait merveille, l’ensemble des acteurs et, on y reviendra, des musiciens étant pris dans une spirale comique (avec ses traits cruels et sa tristesse sous-jacente) que la proximité instaurée par la situation physique du public, les premiers spectateurs étant assis de plain-pied à quelques centimètres de la scène où évoluent les acteurs, renforce de manière considérable. A ce titre, la palme revient comme de bien entendu à Gilles Privat, irréprochable dans le rôle de Monsieur de Pourceaugnac. Mais comment ne pas saluer également Stéphane Facco, qui enchaîne les numéros les plus incroyables, médecin babillard et péremptoire, avocat véreux et prêt à toutes les entourloupes, incarnant la gasconne Lucette qui accuse dans un sabir virevoltant Pourceaugnac de bigamie? Le jeu de l’acteur est admirable et, sur le strict plan de la performance physique, c’est sans conteste l’étoile de cette soirée. Signalons également l’excellent Alain Trétout dans le rôle d’Oronte, prestation qui lui va comme un gant.
Dans le cadre de cette pièce qui faisait se rencontrer une nouvelle fois «les deux Baptiste» comme les surnommait Madame de Sévigné (Molière et Lully ayant écrit ensemble dix œuvres, du Mariage forcé en 1664 à Psyché en 1671), la musique de Lully n’occupe qu’une vingtaine de minutes durant le spectacle. Pour autant, elle est un élément fondamental de la pièce puisque, à l’instar de L’Amour médecin (1665) ou de Georges Dandin (1668), la musique va plus loin que le simple ornement: elle introduit l’action, elle la souligne, elle y participe.
Sachant ne pas se prendre en sérieux tout en faisant de la musique avec le professionnalisme qui les caractérise, les musiciens des Arts Florissants et William Christie (toujours bon pied bon œil, arborant ses inévitables chaussettes rouges sous son costume noir) jouent on ne peut mieux la comédie. Répondant s’il le faut aux acteurs, accompagnant avec finesse certaines scènes spécifiques (les percussions toujours alertes de Marie-Ange Petit, les flûtes de Tiam Goudarzi et Sébastien Marq toujours enthousiastes...), venant s’asseoir ensuite au milieu des spectateurs en attendant leur prochaine intervention, les musiciens des Arts Florissants font véritablement partie intégrante du spectacle. Il en va de même pour les chanteurs, dominés par Cyril Costanzo, aussi bon chanteur qu’il est excellent comédien, Matthieu Lécroart étant également parfait, notamment dans le rôle du Médecin, un des passages les plus extraordinaires du spectacle. La liesse générale du chœur final «Ne songeons qu’à nous réjouir: La grande affaire est le plaisir» salue avec une joie partagée un spectacle réjouissant qui, après avoir été notamment donné au château de Versailles au début du mois de janvier sera repris en Vendée, au Festival de Thiré (chez William Christie donc) les 26 et 27 août prochain.
Le site des Arts Florissants
Sébastien Gauthier
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