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Ce n’est qu’un au revoir...

Berlin
Philharmonie
06/25/2016 -  et 26 juin 2016
Hector Berlioz : La Damnation de Faust, opus 24
Agunda Kulaeva (Marguerite), Paul Groves (Faust), Ildebrando D’Arcangelo (Méphistophélès), José Fardilha (Brander)
Rundfunkchor Berlin, Nicolas Fink (chef de chœur), Staats- und Domchor Berlin, Kai-Uwe Jirka (chef de chœur), Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, Tugan Sokhiev (direction)


T. Sokhiev (© Patrice Nin)


Après quatre années passées à la direction du Deutsches Symphonie-Orchester de Berlin, Tugan Sokhiev avait choisi de faire ses adieux, sans doute précipités par sa nomination en janvier 2014 à la direction du Bolchoï, avec La Damnation de Faust de Berlioz. Comme son compatriote Valery Gergiev, Tugan Sokhiev nourrit une vraie passion pour la musique de Berlioz, dont il aime à rappeler la parenté avec le répertoire russe.


A tout seigneur tout honneur, Tugan Sokhiev fut le premier héros musical de cette soirée berliozienne de haut niveau. Dirigeant avec aisance et un sens inné de l’action, il aborde cette musique avec précision, raffinement et sans excès. Son geste, très libre et parfois inattendu, souligne les innombrables surprises que recèle cette partition décidément unique. L’orchestre berlinois, d’une superbe qualité d’ensemble et d’un évident sens collectif, répond à la moindre de ses sollicitations avec rapidité et efficacité. En grand chef de théâtre, Sokhiev sait aussi réfréner l’orchestre afin de mieux faire entendre les chanteurs. Tout en adoptant des tempi raisonnables et en n’oubliant pas les voix secondaires, il se plaît à souligner à chaque instant la modernité de cette musique. L’ensemble donne en fin de compte un Berlioz qui n’a que rarement été aussi passionnant, transparent et raffiné – en un mot, français!


Paul Groves, on le sait un des grands Faust, a fait plus que sauver ces représentations, initialement prévues avec Piotr Beczala. Car il ne se contente pas de chanter (et fort bien) l’écrasant rôle de Faut, mais il est, par son attitude, son engagement et sa passion, Faust. Son français impeccable et toujours intelligible ajoute à une prestation vraiment exceptionnelle d’intelligence et de musicalité. On ne peut malheureusement pas en dire autant du Méphistophélès d’Ildebrando D’Arcangelo, à la voix inégale, parfois engorgée, au français très imparfait et qui, la plupart du temps, reste les yeux rivés sur sa partition, ce qui ne l’aide pas à incarner un personnage. Il semble même par moments confondre Méphistophélès et Escamillo... On est donc ici très loin des meilleurs interprètes du passé (Bastin, van Dam) ou du présent (Terfel).


Quant à la Marguerite d’Agunda Kulaeva, après un début prometteur (joli «Que l’air est étouffant»), elle s’égare ensuite, gesticulant, ce qui n’aide pas son chant, qui, sans être déshonorant, ne convainc pas complètement. Son français correct devient inintelligible dans le haut du registre, souvent sollicité dans cette oeuvre. Ici aussi donc la vraie lecture et l’incarnation manquent. A l’inverse, le Brander de José Fardilha est tout de texte, de gouaille et joliment sonore.


Il n’est point de Damnation de Faust de qualité sans un chœur exceptionnel. Avec le Chœur de la Radio de Berlin, ici préparé par le chef de chœur suisse Nicolas Fink, invité régulier de cet ensemble, le risque de déception était faible. Hormis quelques minimes décalages avec l’orchestre et une imprécision très ponctuelle dans le récitatif final des hommes, la prestation est superlative, notamment grâce à un français parfait, une belle homogénéité de tous les pupitres et à la beauté des timbres. Une telle interprétation, dans une œuvre qui n’est pas son cœur de répertoire, témoigne de la grande versatilité de ce chœur. La très courte, précise et juste intervention du chœur d’enfants à la fin de l’œuvre apporte à l’apothéose finale la lumière nécessaire. Enfin, à noter l’excellente idée de faire chanter la voix céleste de «L’Apothéose de Marguerite», non par une seule voix trop souvent inaudible, mais par plusieurs femmes du chœur. On y gagne en clarté et en présence.


A l’issue de cette soirée contrastée, l’accueil manifestement très chaleureux réservé surtout à Tugan Sokhiev témoignait d’une reconnaissance pour la qualité du travail accompli pendant ce court mandat et aussi des liens incontestablement créés par ce chef de grand talent avec le public berlinois. La preuve: Tugan Sokhiev reviendra diriger cet orchestre dès juin 2017, soit quelques mois avant que ne prenne officiellement ses fonctions de directeur musical son successeur, le jeune et talentueux chef britannique Robin Ticciati.



Gilles Lesur

 

 

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