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Sur les pointes

Strasbourg
Palais de la Musique
03/24/2016 -  et 25 (Guebwiller), 26 (Strasbourg) mars 2016
Johann Sebastian Bach : Matthäus-Passion, BWV 244
Nicholas Phan (L’Evangéliste), Jonathan Lemalu (Jésus), Lisette Oropesa (soprano), Marie-Nicole Lemieux (alto), Bernard Richter (ténor), Matthew Brook (basse), Bertrand Grunenwald (basse)
Maîtrise de garçons de Colmar, Chœur de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, Orchestre philharmonique de Strasbourg, Paul Goodwin (direction)


P. Goodwin (© Ben Ealovega)


Il y a un peu plus d’une décennie, le regretté Armin Jordan dirigeait ici même une formidable Passion selon saint Matthieu. On se souvient encore de cette pléthore de choristes disposés en gradins derrière les instruments, véritable muraille vivante, et surtout de la chaleureuse ferveur de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg sous la direction d’un chef tout en rondeurs qui semblait inviter à une communion spirituelle davantage encore qu’à une simple exécution musicale, aussi belle soit-elle.


Cette fois l’esprit s’annonce différent. On tente une mise en espace, sobre mais pertinente, qui retrouve la répartition symétrique en usage à Saint-Thomas de Leipzig à l’époque de Bach : chœurs face à face sur des gradins à droite et à gauche, enfants en double rangée au centre, orchestre lui aussi scindé en deux effectifs distincts... Les solistes vocaux sont classiquement alignés devant le chef, en revanche les personnages du Christ et de l’Evangéliste sont isolés sur un podium surélevé. Visuellement, le dispositif est encore enrichi par trois moulages de statues gothiques prêtés par la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame et par des vitraux abstraits joliment rétro-éclairés, créés par l’artiste Sylvie Lander. Le plâtre des statues renvoie une lumière douce, les vitraux disséminés multiplient les taches de couleur et l'impression visuelle d'ensemble, étonnamment "construite" pour un concert, est des plus heureuses.


Musicalement aussi, l’esprit change beaucoup. En étant très méchant, on pourrait même écrire que la ferveur a disparu, remplacée par un souci méticuleux du détail et une recherche opiniâtre de l’avancée dynamique. Mais ce serait se montrer injuste avec Paul Goodwin, qui pallie la défection tardive de John Nelson, encore insuffisamment remis d'une maladie récente. Simplement Goodwin dirige cette Passion avec la même théâtralité exubérante qu’il sait insuffler aux opéras de Haendel dont il est un spécialiste internationalement reconnu. Ce n’est même pas un contresens, juste un changement d'optique. L’orchestre semble en permanence sur les pointes d’une chorégraphie très recherchée, avec des effets de rebond rythmique raffinés et de constantes recherches d’aération des timbres. Minutieusement préparé par Catherine Bolzinger le double chœur est lui aussi invité à alléger, à souligner les rythmes voire les voix intermédiaires, ce dont il s’acquitte avec beaucoup de mérites (comme le Chœur de l’Orchestre de Paris, celui de l’Orchestre de Strasbourg est une formation d’amateurs de bon niveau). Un très joli travail mais qui, paradoxalement, allonge davantage l’œuvre, voire la fait éclater en une multitude de fragments, qu’il ne la rend logique et cohérente.


On peut apprécier l’énergie exceptionnelle que Nicholas Phan investit dans la partie de l’Evangéliste. Personnellement, toute cette agitation nous a paru parfois un peu vaine, soulignant surtout les redoutables difficultés vocales de l’exercice. Juste à côté, le Christ impavide de Jonathan Lemalu en paraît d’autant plus neutre. Niveau plus égal pour les solistes des airs, encore que le ténor Bernhard Richter ait tendance à chanter d’une voix trop claironnante, ou en tout cas beaucoup plus fort que les autres. La soprano Lisette Oropesa a un fort joli timbre qui sied à ses airs souvent naïfs, la basse Matthew Brook met un certain temps à s’affirmer mais termine en beauté, quant à Marie-Nicole Lemieux, elle n’éprouve aucune difficulté apparente à mettre ses grands moyens au service d’un chant très investi émotionnellement. On doit à la chanteuse canadienne les plus beaux moments de ce concert, enchâssés comme des joyaux dans une vision globale que l’on aurait pu rêver plus unitaire.



Laurent Barthel

 

 

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