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Un concerto substantiel

Strasbourg
Palais de la Musique
03/03/2016 -  et le 4 mars
John Corigliano : Concerto pour violon «The Red Violin»
Gustav Holst : The Planets, opus 32

Elina Vähälä (violon)
Chœurs de l’Opéra du Rhin, Orchestre philharmonique de Strasbourg, Jeffrey Tate (direction)


E. Vähälä (© Laura Rihelä)


Le Violon rouge, c’est d’abord un film de François Girard, sorti en 1998. Une histoire de violon mythique qui passe de propriétaire en propriétaire à travers les âges et laisse une traînée sulfureuse d’instrument au destin maudit. La musique, signée John Corigliano, a été récompensée par un Oscar, et le film lui-même suscite semble-t-il autant d’admirateurs passionnés que de spectateurs sceptiques, au vu de la complexité de ce road movie du violon. Pour la bande-son, le compositeur a élaboré de façon très pragmatique une suite de pièces brèves, correspondant aux divers époques traversées par l’instrument depuis sa fabrication.


The Red Violin Concerto est une partition différente, un véritable concerto pour violon et orchestre, en quatre mouvements, créé par Joshua Bell en 2003. Le matériel musical du film s’y trouve surtout recyclé dans le premier mouvement, Chaconne au ton fortement dramatisé. Somme toute il s’agit désormais d’une œuvre beaucoup plus riche et autonome, que l’on a d’ailleurs pu personnellement découvrir, et beaucoup apprécier, au disque, sans même connaître le film et la trame narrative associés. Ici la musique prend le relais de l’image, théâtralisant souvent à l’extrême les gestes du virtuose. Progressions rythmiques serrées, éclats soudains, l’archet galope beaucoup, la richesse de l’orchestration contribuant par ailleurs à une impression de profusion, de surabondance de matériaux qui interagissent voire s’entrechoquent.


Que pour l’essentiel ces ingrédients restent d’un certain assentiment tonal ne gêne guère, une véritable aisance d’écriture préservant pour l’essentiel le propos de toute banalité. Somme toute une partition originale, qui sait entretenir sur quatre mouvements et plus d’une demi-heure de durée une constante tension, obtenue aussi grâce à un habile système de récurrences thématiques. La violoniste finlandaise Elina Vähälä s’y attaque avec beaucoup d’aplomb, des sonorités riches et variées et un véritable sens de la ligne. Scrupuleusement secondée par Jeffrey Tate, elle sait convaincre avec un indéniable panache (on songe souvent au volcanisme d’Anne-Sophie Mutter, mais sans cette âpreté opiniâtre dans la dramatisation du geste qui nous gêne parfois chez la violoniste allemande). Marché conclu : assurément l’un des futurs concertos populaires du grand répertoire de demain ! Compositeur « en résidence » cette année, Corigliano s’est déplacé à Strasbourg pour l’occasion et vient partager avec soliste et chef un très beau succès public, nombreux rappels, dans une salle assez bien remplie.


L’Orchestre philharmonique de Strasbourg avait déjà joué Les Planètes de Gustav Holst il y a cinq ans sous la direction vigilante de Hans Graf. Cette nouvelle exécution bénéficie-t-elle encore de ce travail antérieur ? En tout cas, elle nous a semblé d’autant plus sûre que le handicap actuel de Jeffrey Tate, qui limite quasiment sa battue à une succession de mouvements verticaux, paraît véhiculer intrinsèquement peu de messages. L’emprise du maestro se révèle pourtant très forte, avec pour résultat une exécution particulièrement pétaradante, d’une prégnance de musique de film à grand spectacle fort réussie. Rarement «Jupiter» et «Mars» auront paru aussi décidés, aussi riches en décibels, aussi gratifiants aussi pour l’Orchestre philharmonique de Strasbourg qui signe là un bel exploit collectif (le formidable coup de théâtre de la fin de «Jupiter», parfaitement amené !). D’autres passages, plus délicats, restent parfois un peu en friche («Mercure», pas parfaitement en place) mais l’avancée inexorable imposée par le chef balaye sans peine ces petites scories. Pour «Neptune», les quelques phrases chorales ont été confiées cette fois non pas aux voix féminines de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg mais à celles, professionnelles et plus aguerries, des Chœurs de l’Opéra du Rhin. Et effectivement le dépaysement sidéral de ce dernier passage y gagne assez nettement en confort.



Laurent Barthel

 

 

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