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Orphée en vêtements de drame

Nancy
Opéra
03/29/2016 -  et 31 mars 2016, 3, 5*, 7 avril 2016
Christoph Willibald Gluck : Orfeo ed Euridice
Christopher Ainslie (Orphée), Lenka Máciková (Eurydice), Norma Nahoun (L’Amour), Uli Kirsch (La Mort)
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Merion Powell (chef de chœur), Julien Marcou (harpe), Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Rani Calderon (direction musicale)
Ivan Alexandre (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors, costumes), Bertrand Killy (lumières)


(© Opéra national de Lorraine)


Après Orphée aux Enfers en ouverture de saison et la recréation scénique française de l’incroyable Orfeo de Rossi en février dernier, l’Opéra national de Lorraine achève sa trilogie autour du mythe antique avec Orphée et Eurydice de Gluck, dans sa version viennoise originelle de 1762. Concentrée autour de trois solistes seulement, la partition assume une dimension fabulique souvent délicate à faire passer à la scène. Avec le concours de Pierre-André Weitz à la scénographie, Ivan Alexandre réussit la gageure à inscrire la pièce dans un dispositif authentiquement dramatique, sans s’abîmer dans l’artifice d’une transposition pour ancrer le poème dans quelque réalisme artificieux.


On reconnaît dans les décors la pâte du collaborateur régulier d’Olivier Py: encadré de tribunes noir où iront se loger les choristes à la façon de spectateurs, le plateau brille d’un or mat aux trompeuses vertus spéculaires. Le couple apparaît siamois presqu’en majesté dans une gaine d’apparat dix-huitième, et la mort d’Eurydice va infliger sur le flanc de chacun des deux amants une indélébile et évocatrice cicatrice costale, rejouant ainsi de manière originale le motif platonicien de l’androgyne. Entourée de tains, sur une table de dissection, la Mort pantomime dispose de la défunte, et soumet son époux éploré. Les Ombres heureuses mêlent les couples en errance que le triomphe de l’Amour reconstituera – brièvement? Au-delà de son usage chorégraphique évident, et parfois envahissant peut-être, le figurant à squelette, dévolu à Uli Kirsch, visiblement investi, assume une fonction médiatrice enrichie qui s’affirme comme le pendant de l’Amour thaumaturge. On appréciera par ailleurs la poésie des lumières de Bertrand Killy, animant la consistance de la rêverie cosmique où sur la toile de fond évoluent des formes planétaires. Indéniablement, le spectacle sait traduire l’eschatologie dans le langage des planches, sans perdre de son idiomatique abstraction théâtrale.


En Orphée, à qui revient la partie vocale la plus exigeante, Christopher Ainslie possède le métal requis, pour exhaler la plainte du poète et ses méandres, sans perdre de l’aura lyrique du personnage. Plus circonscrites, les interventions de Lenka Máciková en Eurydice ne déparent aucunement aux côtés de la fraîcheur discrètement espiègle de l’Amour de Norma Nahoun. Si la puissance du chœur, préparé attentivement par Merion Powell, ne fait point de doute, la masse des ensembles prend parfois le pas sur la précision. Quant à la direction de Rani Calderon, elle insuffle une dynamique acérée à la partition, sensible en particulier au premier acte, tandis que les attaques, des cordes entre autres, de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy se révèlent parfois rétives au néoclassicisme de Gluck, sans altérer l’honnêteté d’une performance qui rappelle la fragilité de la simplicité. On mentionnera enfin, en écho aux dernières notes de la fosse, celles égrenées par la harpe de Julien Marcou, au cœur de la scène, sorte d’épilogue délicat à la manière d’un alambic sonore et visuel.



Gilles Charlassier

 

 

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