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Avec ou sans accessoires ?

Strasbourg
Opéra national du Rhin
03/16/2016 -  et 18, 20, 22*, 24 mars (Strasbourg), 8, 10 (Mulhouse), 17 (Colmar) avril 2016
Wolfgang Amadeus Mozart : Idomeneo, K. 366
Maximilian Schmitt (Idomeneo), Juan Francisco Gatell (Idamante), Judith Van Wanroij (Ilia), Agneta Eichenholz (Elettra), Diego Godoy (Arbace), Emmanuel Franco (Le Grand Prêtre de Neptune), Nathanaël Tavernier (La Voix)
Chœur de l’Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse, Sergio Alapont (direction musicale)
Christophe Gayral (mise en scène), Barbara de Limburg (décors), Jean-Jacques Delmotte (costumes), Philippe Berthomé (lumières), Karine Girard (chorégraphie)


M. Schmitt (© Alain Kaiser)


Difficile de mettre un opera seria en scène. La monotonie d’une succession d’airs statiques y incite le plus souvent aux expédients, aux stratagèmes. De la valise à la trottinette, du balai brosse au revolver, du poignard au sac à main, du bouquet de fleurs au kit de premier secours pour grands blessés... dans le genre on a déjà tant vu défiler tant d’accessoires dans les mains des chanteurs que l’on pourrait continuer l’inventaire à l’infini, avec un degré d’inattendu variable en fonction des transpositions d’époque. L’Idoménée de Mozart complique encore la donne avec ses nombreuses séquences chorales, qui font nettement bouger les cadres mais sans abandonner complètement les codes du passé. Faut-il dès lors s’étonner de ne rarement sortir d’une représentation de ce chef-d’œuvre sans un arrière-goût d’inabouti ?


D’abord l’ouvrage est long, même si cette fois on a beaucoup coupé, sans rendre pour autant le résultat plus digeste. Dans ce jeu d’omissions et de rapiéçages on ne va pas pleurer sur le ballet final, scéniquement impossible, ni sur la disparition des airs d’Arbace, pas vraiment utiles. En revanche choisir la version de Vienne et se priver du Rondo d’Idamante avec violon obligé qui en constitue la plus intéressante particularité est une idée bizarre. Dès lors, à part que ce personnage d’Idamante soit chanté par un ténor et non par une voix de mezzo, il n’y a plus grande différence avec la version d’origine.


Pendant la première demi-heure, la soirée s’enlise dans une monotonie exaspérante: trois grandes parois opaques et grises, mobiles mais pas trop, à peine percées de quelques portes, des costumes milieu de siècle dernier (stylisés, plutôt réussis), quelques rares meubles, des éclairages soignés : c’est tout. Gérer ce vide est une gageure bien difficile à tenir. Combien de fois Idamante va-t-il s’appuyer aux murs pendant ses airs ? On a renoncé à compter, mais que lui faire faire d’autre alors que le plateau est aussi peu occupé ? De même, pendant son «Fuor del mar», Idomeneo va évidemment saccager son bureau, renverser son fauteuil, envoyer valser sa lampe... Ne pouvait-on trouver moins convenu ? Au fait, juste une suggestion en passant : à l’opéra pourrait-on arrêter de s’en prendre au mobilier quand on est de mauvaise humeur ? Il y a ainsi quelques préceptes que l’on rêverait d’inclure dans les règlements intérieurs...


Les chœurs ne sont pas mieux lotis, avec en particulier une croquignolette invocation à Neptune où tout le monde agite des petits drapeaux en cadence. L’idée n’aurait jamais du passer le stade des répétitions, tant elle paraît agaçante et ridicule. En revanche intégrer dans l’action une figuration chorégraphique voire quelques acrobates est un expédient qui apporte quelques mouvements intéressants (relativement superflus dans l’air d’Ilia «Zeffiretti lusinghieri», mais plus constructifs dans les scènes chorales). De beaux jeux de projections en ombres chinoises ou le maniement très remuant d’une passerelle de bateau mobile sont eux aussi plus inventifs. Quant au final en forme de pirouette, tout le monde déballant à l’improviste tenues de plage, glacières, chaises longues et jeux de plein air, il a le mérite de terminer sur une note ludique opportunément jouée. Somme toute davantage de bonnes idées sur la fin (la scène au temple de Neptune est intéressante), ce qui fait oublier les redoutables plages d’ennui du début : Christophe Gayral et son équipe ne brillent pas mais n’échouent pas non plus, là où de bien plus grands noms ont encore bien moins convaincu.


Idoménée avait déjà bien réussi à l’Orchestre de Mulhouse lors de la précédent production de l’ouvrage à l’Opéra du Rhin, sous la baguette de Theodor Guschlbauer. Et cette fois encore une vraie lumière mozartienne circule et la petite harmonie séduit, sous la direction détaillée et énergique de Sergio Alapont. Vocalement on reste en revanche un peu sur sa faim. Seule l’Ilia émouvante de Judith Van Wanroij nous laisse de bons souvenirs (dont un superbe air «Se il padre perdei», très heureusement phrasé et respiré, malheureusement accueilli dans l’indifférence par une salle bizarrement glaciale ce soir-là). L’Elettra d’Agneta Eichenholz, malgré une voix très sonore, manque de discipline, l’Idamante de Juan Francisco Gatell n’est pas d’une justesse exemplaire et l’Idomeneo virtuose de Maximilian Schmitt souffre d’une émission plutôt nasale de ténor germanique alla Peter Schreier, pas franchement agréable. Seconds plans peu marquants, voire enrhumés. Que reste-t-il ? Certainement l’excellente prestation des Chœurs de l’Opéra du Rhin, en grande forme. De quoi réchauffer par moments cette soirée un peu grise mais pas toujours sans charme.



Laurent Barthel

 

 

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