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Un grand chef pour les Philharmoniker

Baden-Baden
Festspielhaus
03/20/2016 -  
Johannes Brahms : Ouverture tragique, opus 81
Robert Schumann : Concerto pour violoncelle, opus 129
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 6 «Pathétique», opus 74

Yo-Yo Ma (violoncelle)
Berliner Philharmoniker, Manfred Honeck (direction)


Y.-Y. Ma (© Monika Rittershaus)


Ce premier concert des Berliner Philharmoniker au festival de Pâques devait être dirigé par Yannick Nézet-Séguin, qui a déclaré forfait au dernier moment pour raisons de santé. Heureusement, en la personne de Manfred Honeck, actuel chef titulaire de l’Orchestre symphonique de Pittsburgh, le remplaçant trouvé ne manque pas de panache. Le chef autrichien a pu en tout cas être pressenti suffisamment tôt pour pouvoir bénéficier des deux répétitions prévues pour ce concert, assuré dès lors dans des conditions sensiblement normales et sans changement de programme.


La Symphonie «Pathétique» de Tchaïkovski ne pouvait pas plus opportunément se trouver là, puisque Manfred Honeck entretient en ce moment avec elle des relations privilégiées. La publication de son enregistrement discographique avec l’Orchestre symphonique de Pittsburgh est imminente, et il a eu aussi l’occasion de diriger cette œuvre récemment à Chicago, en remplaçant Riccardo Muti au pied levé... De fait, sa connaissance de l’ouvrage paraît totale, dans ses moindres détails mais surtout dans ses moindres progressions. Rarement interprétation nous aura paru aussi logiquement construite, à l’intérieur d’un mouvement (la conduite du discours de l’Adagio puis Allegro initial est d’une évidence étonnante) voire à l’échelle de la symphonie toute entière. Pendant le martial Allegro molto vivace, pris très vite, la tension monte progressivement jusqu’à des déferlements irrésistibles, qu’il aurait été passionnant de pouvoir juxtaposer immédiatement avec le désespoir initial des cordes du quatrième mouvement. Mais malheureusement Manfred Honeck a beau tendre vigoureusement les bras en croix, sitôt frappée la dernière décharge d’énergie du tutti, ce geste n’est pas assez impératif pour tuer dans l’œuf l’habituelle salve d’applaudissements quasi-réflexe du public. Une fois le chahut retombé, l’Adagio lamentoso déploie son jeu de cordes somptueux avec une intensité mémorable, jusqu’à l’ultime glas, sonné par des contrebasses berlinoises d’une incroyable noirceur. Silence prolongé ensuite, mais peut-être moins du fait d’un possible trop-plein d’émotion que parce que le public, cette fois, n’ose plus applaudir !


Avouons que sous les impulsions de cette baguette particulièrement précise et omniprésente, qui ne laisse rien au hasard, peut-être aussi parce que chef et orchestre en se connaissent pas encore parfaitement bien et redoublent d’attention, les Berliner Philharmoniker nous auront vraiment paru à leur plus extraordinaire ce soir-là, avec une grisante homogénéité des cordes et un engagement sans faille de la petite harmonie (en première rangée Emmanuel Pahud à la flûte et Albrecht Mayer au hautbois, mais n’oublions pas de citer aussi un premier cor de rêve, Stefan Dohr). Comme s’il fallait quand même restimuler de temps en temps par un peu d’imprévu cette phalange d’élite, pour lui faire donner son meilleur, l’obliger à remettre un tant soit peu en question sa routine dorée. Et ici le résultat est tout bonnement fantastique. Autant dans cette symphonie de Tchaïkovski archi-rebattue – Kirill Petrenko viendra lui aussi la diriger à Baden-Baden dans un an, pour ses débuts in loco avec les Philharmoniker (au fait : ne pouvait-il vraiment pas choisir autre chose ?) – que dans une exemplaire Ouverture tragique. Un Brahms de début de concert d’emblée conquérant, scrupuleusement fouillé et soutenu, doté d’un élan moteur digne des meilleurs années Karajan.


Merveilleux moments d’évidence en milieu de soirée avec l’apparition de Yo-Yo Ma, pour un Concerto pour violoncelle de Schumann paré de couleurs boisées voire crépusculaires. Archet très appuyé par moments mais discours totalement maîtrisé, nourri d’un vibrato intense mais jamais excessif. Honeck se mue ici en parfait accompagnateur, toujours attentif mais sans ostentation d’écoute inutile. Le soliste semble transmettre à tous sa joie de jouer et simultanément d’écouter ce que cette musique peut irradier d’émotionnellement intense : l’art très simple et spontané d’amener toute une salle à une sorte de communion, autour d’un instrument aux sonorités parmi les plus belles que l’on puisse imaginer.


Après des saluts auxquels le soliste tient à associer notre compatriote Bruno Delepelaire, jeune premier violoncelle de l’orchestre, qui l’a superbement secondé dans le Langsam médian, Yo-Yo Ma prolonge discrètement l’émotion par la Sarabande de la Cinquième Suite de Bach, avant de prendre, tout aussi souriant qu’à son arrivée, congé d’un public ravi.



Laurent Barthel

 

 

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