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A la recherche du ré perdu

Paris
Salle Pleyel
04/28/2001 -  
Johann Sebastian Bach : Ricercar à six voix (orchestration Webern)
Sofia Goubaïdoulina : Offertorium
Johannes Brahms : Symphonie n° 2, opus 73


Daniel Hope (violon)
Orchestre national d’Ile-de-France, Moshe Atzmon (direction)

Au risque de se répéter, il n'en faut pas moins saluer à nouveau le soin avec lequel sont composés les programmes de l’Orchestre national d’Ile-de-France, même si le rapprochement entre le Ricercar, d’une part - dont Moshe Atzmon privilégie paradoxalement le legato, dans un tempo assez lent - et l’Offertorium, d’autre part, s’imposait avec force.


Dans sa conférence liminaire - précise, bien que délivrée sans support écrit - André Lischké avait également souligné une autre influence essentielle, quoiqu’implicite, pour Goubaïdoulina, celle du Concerto à la mémoire d’un ange de Berg sur l’Offertorium. Au-delà de l’expression, de la forme concertante et des simples citations, ces deux œuvres décrivent un même cheminement d’ordre mystique vers la lumière, que traduit, à un même moment-clé, le recours à un choral.


Dans le domaine littéraire, la démarche d’un Perec est comparable : dissimuler une quête angoissée derrière des jeux syntaxiques et combinatoires qui permettent d’ordonner les éléments disparates du discours. Au fond, le propos d’Offertorium est identique à celui de La Disparition : de même que tous les personnages du fameux roman de Perec prennent progressivement conscience de ce qu’il manque quelque chose, en l’occurrence la lettre E, de même le violon entreprend-il une longue errance (près de quarante minutes) à la recherche du final du thème (précisément le « thème royal », censément composé par Frédéric II de Prusse, sur lequel est fondé le Ricercar de Bach). Avec la différence notable que cette recherche (soit, en italien, ricercar) se conclut de façon manifestement plus optimiste dans la partition de Goubaïdoulina que dans le récit de Perec, puisque la note manquante finit par réapparaître (pour s’imposer, en seconde partie du concert, au travers du majeur de la Deuxième symphonie de Brahms).


Lischké avait aussi attiré l’attention sur le double sens d’Offertorium, à la fois sacrifice et offrande, qui correspond en même temps au déroulement de la musique : véritable sacrifice du thème, dans un premier temps, puis offrande à caractère puissamment religieux, dans un second temps. Difficile de ne pas penser à la même ambiguïté qui marque le tableau éponyme du peintre lituanien Ciurlionis (lequel était également compositeur).


Toujours-est il que le jeune violoniste anglais Daniel Hope fait preuve d’une solidité et d’un engagement qui soulèvent à bon droit l’enthousiasme du public. Occasion de découvrir, en guise de bis, la surprenante adaptation pour violon solo que Stravinski réalisa en 1919 de la Marseillaise, bien plus Groupe des six que bleu horizon.


Deux jours seulement après la décevante Première symphonie donnée par Dohnanyi et l’Orchestre de Paris (voir par ailleurs sur ce site), Pleyel retentissait donc cette fois-ci des sonorités pastorales de la Deuxième symphonie. Atzmon en donne une lecture en demi-teintes, douce et paisible, qui chante et respire en permanence. Manquant parfois un peu d’allant, ce qui se ressent dans des attaques pas toujours précises, le chef israélien obtient des textures sonores d’une remarquable délicatesse. Nul conflit, nulle aspérité, en somme, tout n’est que luxe, calme et volupté. Avec un allegro con spirito final beaucoup plus lyrique que trépidant ou triomphal, on se trouve aux antipodes de ce qu’en faisait Myung-Whun Chung en février dernier (voir également sur ce site). Décidément, que d’approches aussi divergentes que complémentaires les grandes partitions ne suscitent-elles pas...




Simon Corley

 

 

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