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Pas à la hauteur

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/01/2016 -  
Anton Bruckner : Symphonie n° 8 en ut mineur (édition Haas)
Rotterdams Philharmonisch Orkest, Jukka-Pekka Saraste (direction)


J.-P. Saraste (© Felix Broede)


Pour des raisons de santé et de repos obligatoire, Yannick Nézet-Séguin n’a pu assurer la direction du concert de ce soir et c’est donc vers Jukka-Pekka Saraste que le Philharmonique de Rotterdam s’est tourné pour le diriger dans cette monumentale œuvre qu’est la Huitième Symphonie (1887-1890) d’Anton Bruckner (1824-1896). Bien que ne faisant pas partie des chefs brucknériens connus, Jukka-Pekka Saraste dirige pourtant assez fréquemment ce compositeur avec de vraies déconvenues (une Neuvième en octobre 2002 avec le Philharmonique de Radio France) mais aussi, si l’on en croit certains comptes rendus, de réelles réussites (qu’il s’agisse de la Neuvième de nouveau, avec le Philharmonique de Londres en avril 2014, ou de la Troisième, cette fois-ci avec l’Orchestre symphonique de la WDR de Cologne à la fin du mois de novembre 2013). Ajoutons à cela que, récemment encore, Bruckner figurait au programme des concerts dirigés par le chef finlandais avec une Cinquième donnée à la tête du Philharmonique d’Oslo en janvier dernier et une Troisième dirigée au Portugal au début du mois de mars avec l’Orchestre Gulbenkian.


Bref, autant d’éléments qui pouvaient nous sembler prometteurs d’autant que l’Orchestre de Rotterdam a pu, par le passé, nous donner de très belles interprétations brucknériennes en ce même Théâtre des Champs-Elysées. Et, à l’arrivée, quelle déconvenue! Car, avouons-le immédiatement, Saraste est passé totalement à côté de cette symphonie, handicapé au surplus par un orchestre des plus moyens. Sous la houlette de Marieke Blankestijn, connue pour être également la Konzertmeisterin de l’Orchestre de chambre d’Europe, les cordes de Rotterdam ne séduisent jamais vraiment même si les attaques inaugurales des altos et des violoncelles semblaient prometteuses. Les phrases ne sont pas tenues jusqu’au bout et les baisses de tension sont patentes, ce qui est rédhibitoire dans le si sublime Adagio. Surtout, on aura assisté à de constants problèmes d’équilibre au sein de l’orchestre: quand on n’entendait pas bien les trois harpes ou les huit cors, ce sont au contraire les trombones et les trompettes (qui offrirent parfois quelques glissandi du plus mauvais goût dans le Scherzo) qui écrasaient leurs collègues. Ajoutons que le hautbois solo ne bénéficiait pas de très belles sonorités (offrant en outre un jeu des plus prosaïques avec des attaques très dures, sans le moindre souci de se couler dans le climat sonore précédemment établi), que les clarinettes ne distillaient aucun charme et que, en fin de compte, seul Danny van de Wal aux timbales aura parfaitement tenu son rôle même si l’on pouvait parfois attendre coups plus effrayants. C’est tout de même un peu court! Certains pourront éventuellement reprocher au Théâtre des Champs-Elysées d’avoir quelque peu handicapé l’orchestre en raison d’une acoustique assez sèche mais l’argument n’est pas totalement recevable: pour avoir entendu bien d’autres symphonies de Bruckner, notamment de Huitièmes dans cette même salle, force est de constater que les réussites étaient alors patentes par exemple sous les baguettes de Christian Thielemann ou de Lorin Maazel (voir ici et ici).


Car, face à une telle œuvre, il faut un chef et il faut une vision: deux éléments qui firent totalement défaut ce soir. Saraste se contente d’aligner les phrases dans un mezzo forte constant – quel manque d’énergie dans le Finale et, plus encore, quelle panne d’inspiration dans la coda conclusive! – sans insuffler quoi que ce soit. La fin du premier mouvement (Allegro moderato), qui est pourtant si forte avec ce tutti qui s’éteint brusquement avant de laisser place à la désolation incarnée par la clarinette, fait place ici à une banalité sans nom qui laisse à penser que le chef était surtout pressé d’en finir. L’Adagio est pris trop rapidement, à l’instar des autres mouvements d’ailleurs, là où au contraire on souhaiterait davantage de retenue, une plus grande sérénité, une vraie plénitude sonore (ces grandes ascensions de cordes conclues en principe par des harpes qui devraient être suspendues dans l’air avant d’être relayées par le cor solo puis par les violoncelles et les altos...). Le Finale est également mené tambour battant avec, comme dans les précédents mouvements quelques problèmes de décalage entre les cuivres et les cordes: il faut dire que la battue grandiloquente de Saraste, qui semble constamment cravacher un cheval fou, n’aide pas à tel point que plus d’un violoniste battait la mesure du pied...


Des applaudissements certes mais un concert qu’on oubliera bien vite avant, une fois rentré chez soi, de se précipiter sur un enregistrement de la Huitième cher à nos yeux: ouf, enfin de la musique!


Le site de Jukka-Pekka Saraste
Le site de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam



Sébastien Gauthier

 

 

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