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Aux confins lyriques du café-théâtre

Toulon
Opéra
03/01/2016 -  et 4, 6* mars 2016
Kurt Weill : L’Opéra de quat’sous
Sophie Haudebourg (Polly Peachum), Isabelle Vernet (Célia Peachum), Anna Destraël (Jenny-des-Lupanars), Anna Maria Sarra (Lucy Macheath), Sébastien Lemoine (Macheath), Frédéric Longbois (Jonathan Peachum), Jean-Philippe Corre («Tiger» Brown), Nicolas Djermag (Filch, Le pasteur Kimball, Smith), Arnaud Toussaint (Matthias), Steve Terruzy (Jimmy), Alex Telgor (Jacob-les-Doigts-Crochus), Antoine Abello (Eddy), Jean Delobel (Walter-Saule-Pleureur), Jean-Yves Langer (Robert-la-Scie), Bruno Simon (Un mendiant, Un gardien), Didier Siccardi (Un gardien), Alexandra Barakian, Rosemonde Bruno La Rotonda, Nathalie Dodivers, Martine Favereau, Muriel Garnier, Karine Hénot, Chantal Waegemans (Les prostituées)
Chœur de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Toulon, Nicolas Krüger (direction musicale et claviers)
Bernard Pisani (mise en scène et chorégraphie), Luc Londiveau (décors), Frédéric Pineau (costumes), Jacques Chatelet (lumières)


(© BM Palazon)


Quatre ans après sa dernière apparition sur une scène française, à Tours en janvier 2012, la production de L’Opéra de quat’sous conçue pour Metz et Reims par Bernard Pisano revient sur les planches à Toulon, où l’ouvrage de Weill est joué pour la première fois. Comme lors des précédentes séries, la traduction vernaculaire s’impose, au service de la complicité avec le public. On retrouve ainsi la scénographie de Luc Londiveau, organisée autour d’un foyer de briques anthracite, tout à tour armoire domicile familial des Peachum, grange où Polly et Macheath célèbrent leur mariage, et prison. Les costumes de Frédéric Pineau théâtralisent la misère, sans excès inutile, au diapason de l’esprit brechtien, tandis que les lumières de Jacques Chatelet habillent admirablement décors et ensembles, avec un sens évident de l’artifice poétique.


Les chœurs – préparés avec allant par Christophe Bernollin – et les chorégraphies généreuses de Bernard Pisani participent de la plénitude d’un spectacle qui regarde çà et là davantage vers la forme lyrique que les ficelles du café-théâtre. L’équilibre avec les dialogues, nourris de calembours et de satire sociale grinçante, s’en trouve quelque peu altéré, tandis que la formation instrumentale tirée de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon, placée sous la direction de Nicolas Krüger, ne néglige pas l’hétérogénéité d’une écriture qui semble s’amuser de maladresses volontaires.


Ces contradictions s’avèrent assumées par un plateau au gosier comme au texte, dont plus d’un avait assuré les soirées tourangelles. En Macheath, Sébastien Lemoine ne ménage pas ses ressources et accuse les rodomontades auxquelles s’identifie le stéréotype masculin, préservant le public de la sympathie qu’il pourrait éprouver pour le malfrat. Sophie Haudebourg se glisse dans la soumission mélodramatique de Polly à son époux et sa cause, affrontant la détermination moins caricaturale de la Lucy d’Anna Maria Sarra. Sa mère, Célia Peachum, incombe à Isabelle Vernet et sa gouaille irrésistible, amplifiée par un timbre appuyé aux limites de la marâtre et de la virago, aux côtés de laquelle le Peachum de Frédéric Longbois s’affirme essentiellement dans la scène d’ouverture. Jean-Philippe Corre condense la bénévolence du capitaine Tiger Brown et ses répliques attendues. Anna Destraël n’économise pas la verve de Jenny-des-Lupanars. Accumulant les défroques de Filch, du pasteur Kimball et de Smith, Nicolas Djermag s’inscrit sans peine dans l’esprit de la pièce, à l’image de ses collègues, Arnaud Toussaint, Steve Terruty, Alex Telgor, Antoine Abello, Jean Delobel ou Jean-Yves Langer, sbires de la clique de Macheath répondant respectivement aux noms parfois programmatiques de Matthias, Jimmy, Jacob-les-Doigts-Crochus, Eddy, Walter-Saule-Pleureur et Robert-la-Scie. Au-delà de ses irréductibles inégalités, héritées de l’œuvre elle-même, cet Opéra de quat’sous démontre que les tensions entre son et sens peuvent se montrer fructueuses.



Gilles Charlassier

 

 

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