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Folle journée

Paris
Opéra Bastille
02/02/2016 -  et 5, 12*, 16, 21, 25, 28 février, 2, 4 mars 2016
Gioacchino Rossini : Il barbiere di Siviglia
Lawrence Brownlee (Il Conte d’Almaviva), Nicola Alaimo (Bartolo), Pretty Yende (Rosina), Alessio Arduini (Figaro), Ildar Abdrazakov (Basilio), Pietro Di Bianco (Fiorello), Anaïs Constans (Berta), Laurent Laberdesque (Un ufficiale)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Giacomo Sagripanti (direction musicale)
Damiano Michieletto (mise en scène), Paolo Fantin (décors), Silvia Aymonino (costumes), Fabio Barettin (lumières)


P. Yende, L. Brownlee (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris


Le Barbier de Séville genevois de Damiano Michieletto, déjà vu au début de la saison passée, nous laisse toujours la même impression. Il est bien troussé, virevoltant – pas seulement parce que le décor unique de l’immeuble du quartier populaire de la Séville d’aujourd’hui, où le linge sèche aux balcons, pivote sur lui-même, en dévoilant la façade, les escaliers ou l’intérieur. Là où Coline Serreau imaginait un Orient stylisé et s’intéressait d’abord aux intermittences du cœur, l’Italien renoue avec la farce et le gag, moins soucieux des caractères que du mouvement, croise Almodóvar et la commedia dell’arte. Direction d’acteurs au cordeau et virtuose : un irrésistible perpetuum mobile, les personnages passant sans cesse d’une pièce ou d’un étage à l’autre... Mais si l’on rit volontiers ici ou là, on ne se laisse pas toujours emporter par ce tourbillon : malgré l’agitation perpétuelle et l’irrésistible mécanique, le rythme s’essouffle, on a même du mal à adhérer au final du premier acte, où les personnages vacillent dans une sorte de vertige surréaliste. Plutôt qu’une Précaution inutile, une Folle journée avant l’heure. Il reste que Le Barbier ressortit aussi à la comédie psychologique, comme souvent l’opera buffa, surtout parvenu à ce point de son évolution, alors que Michieletto ne présente que des types. De quoi s’interroger, une fois du plus, sur le bien-fondé de l’abandon de la production de Coline Serreau...


Musicalement, le plateau satisfait plus qu’en 2014... sauf le Figaro d’Alessio Arduini, qui s’empêtre dans un air d’entrée parfois chanté bien faux, modèle d’un mal canto qu’on croyait associé à une époque révolue, lorsqu’on pensait que le buffa dispensait du respect des exigences stylistiques. Rien de plus inexact : il relevait, à l’époque, du chant d’école. C’est le Bartholo de Nicola Alaimo qui l’incarne, malgré une projection assez modeste : sillabando impeccable mais ligne châtiée, barbon à la fois ridicule et émouvant. Les basses russes, souvent, maltraitent Rossini : pas Ildar Abdrazakov, familier du maître de Pesaro, Basile impayable et châtié, qui se démène comme un diable en prof de violoncelle. Lawrence Brownlee fait partie des ténors rossiniens du moment, à l’aigu insolent, à la vocalise agile – même si les volate n’ont pas la précision de celles d’un Juan Diego Flórez. Il peut du coup risquer l’acrobatique « Cessa di più resistere » avant le dénouement. On lui reprochera seulement une certaine monotonie expressive. Pour une raison différente, Pretty Yende nous ramène, comme Figaro, des années en arrière : voilà que l’Opéra distribue Rosine à un soprano leggiero, alors que Rossini la destinait à une voix centrale. On croit rêver... L’Américaine transforme allégrement la tessiture du rôle, jamais aussi heureuse que lorsqu’elle évolue dans la quinte aiguë, voire au-delà – jusqu’au contre-mi ! Mais soyons juste : la rondeur fruitée de la voix, l’aisance de la colorature, la pertinence stylistique font bien passer la chose et rendent attachante cette ado rebelle au cœur sensible, qu’on verra partir sur la moto flambant neuve de son soupirant. Quant à la Berta en bigoudis d’Anaïs Constans, qui copule sans vergogne dans sa chambre, elle a une voix, un chant, une présence.


Tous brûlent les planches, visiblement en phase avec les intentions du metteur en scène. Giacomo Sagripanti un peu moins, qui assure le continuo : beaucoup plus à l’aise et crédible que dans Werther, il dirige tout en finesse, attentif aux détails savoureux de l’instrumentation, veillant toujours à maintenir la fluidité et la rondeur de la pâte sonore, soucieux d’équilibre et d’unité, jamais contaminé par l’agitation du plateau. Peut-être même trop maître de lui pour faire suffisamment pétiller le spumante rossinien.



Didier van Moere

 

 

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