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Strauss en brasserie Metz Opéra-Théâtre 01/29/2016 - et 31 janvier, 2 février 2016 Richard Strauss : Capriccio, opus 85 Soula Parassidis (La comtesse Madeleine), Stephan Genz (Le comte), Johannes Chum (Flamand), Jean-Luc Ballestra (Olivier), Horst Lamnek (La Roche), Marie Gautrot (Clairon), Osvaldo Peroni (Monsieur Taupe), Aline Maalouf (Une cantatrice italienne), Matteo Mezzaro (Un ténor italien), Thomas Roediger (Le majordome), Alice Besson, Emilie Garetier, Ingrid Ossola, Jean-Charles Dumont, Gabriel Fillatre, Manoah Michelot (danseurs), Marie Billet, Lou Roediger, Aziz Alloua, Frédérick Franczak, Romain Laurent, Pierre-Alexandre Médart (figurants)
Chœur de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, Nathalie Marmeuse (chef du chœur), Orchestre national de Lorraine, Benjamin Pionnier (direction musicale)
Dieter Kaegi (mise en scène), Dirk Hofacker (décors et costumes), Thomas Märker (lumières), Pénélope Bergeret (chorégraphie)
(© Arnaud Hussenot/Opéra-Théâtre Metz Métropole)
L’ultime opéra que Richard Strauss a créé de son vivant connaît, ces dernières années, un regain d’intérêt de la part des théâtres lyriques, et Metz ne passe pas à côté, en mettant à l’affiche une nouvelle production de Capriccio conçue par Dieter Kaegi. Translatant l’intérieur de l’entre-soi aristocratique du XVIIIe siècle dans une brasserie parisienne où l’on pourrait imaginer peut-être quelques usages viennois, le dispositif scénographique dessiné par Dirk Hofacker, et rehaussé par les lumières habiles de Thomas Märker, s’éloigne certes de la lettre du livret à quatre mains du compositeur avec Clemens Krauss, sans pour autant en trahir l’esprit. La cohérence de la lecture restitue la manière dont l’intrigue esthétique et sentimentale se détache sur le fond domestique, et le chœur de la livrée des garçons de café devant le rideau, avec l’intervention de Monsieur Taupe, sacrifie au traditionnel jeu de coulisses attendu dans cette séquence. Si l’entrée de certains personnages, à l’exemple de Clairon, n’économise peut-être pas suffisamment la théâtralité, la sortie de la Comtesse au milieu des convives appartient aux tableaux réussis, à l’instar de la projection vidéographique confondant les deux visages de Flamand et Olivier, le musicien et le poète, devenus indissociables l’un de l’autre pour Madeleine au moment de la reprise finale du sonnet. Quant aux pas de danse réglés par Pénélope Bergeret, ils ne se contentent pas de la soliste démonstrative et dissémine la démangeaison chorégraphique au milieu de l’assemblée, démultipliant le propos de La Roche, avocat du plaisir spectaculaire, dans des configurations où le ludique, sinon le coquin, n’est pas absent.
La distribution se glisse souvent dans l’idiome singulier de la conversation en musique qui caractérise l’œuvre. Stephan Genz affirme un Comte au timbre homogène, non dénué de distinction, qui surjoue un peu la déclamation face à l’actrice qu’il admire pour lui en montrer. L’amicale rivalité artistique entre Flamand et Olivier se trouve accentuée entre la blondeur lyrique bien déliée de Johannes Chum et la densité marquée du poète de Jean-Luc Ballestra. Horst Lamnek offre un La Roche équilibré, qui ne ressent pas le besoin d’alourdir son autorité managériale. Grimant la grande dame, Marie Gautrot n’évite pas toujours à sa Clairon quelques acidités exogènes à sa tessiture, sinon à son texte. Soula Parassidis possède le grain idoine de la comtesse Madeleine, enrobée dans une couleur vocale apparentée davantage à la cocotte parisienne, avec un pépiement aigu que l’on souhaiterait plus idiomatique. Aline Maalouf et Matteo Mezzaro forment un convaincant couple de chanteurs italiens, quand Osvaldo Peroni résume l’étrangeté d’un Monsieur Taupe aux lunettes rondes et noires à l’utilité sémiologique vraisemblablement superflue. Le solide Majordome de Thomas Roediger et le travail de Nathalie Marmeuse avec la domesticité chorale ne déméritent aucunement. A la tête de l’Orchestre national de Lorraine, Benjamin Pionnier – qui vient récemment d’être nommé à Tours – déploie l’admirable canevas chambriste d’une partition délicate. Assurément, on ne peut que se réjouir de la prise de risque de la maison messine – et de sa réussite.
Gilles Charlassier
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