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D le maudit

Bruxelles
Bozar, Salle Henry Le Bœuf
01/21/2016 -  et 24 janvier 2016
Anton Rubinstein: Le Démon
Kostas Smoriginas (Démon), Ante Jerkunica (Prince Grudal), Boris Rudak (Prince Sinodal), Alexander Vassiliev (Vieux servant), Veronika Dzhioeva (Tamara), Christianne Stotijn (Un ange), Elena Manistina (Nounou), Igor Morozov (Messager)
La Choraline, Académie de chœur de la Monnaie, Benoit Giaux (chef de chœur), Vlaams Radio Koor, Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef de chœur), Orchestre symphonique de la Monnaie, Mikhail Tatarnikov (direction)


M. Tatarnikov


Cette saison « hors les murs », la Monnaie programme trois opéras en version de concert au Palais des Beaux-Arts. Après un très beau Hansel et Gretel le mois dernier et avant une très attendue Adrianne Lecouvreur le 17 et le 21 février, le choix du Démon (1875) d’Anton Rubinstein (1829-1894) s’avère particulièrement original. Très populaire à la fin du XIXe siècle, comme Richard Taruskin l’explique dans les notes de programme, il n’a probablement jamais été exécuté en Belgique auparavant. En réalité, c’est toute la musique de ce compositeur très prolifique qui demeure rare aujourd’hui, cet opéra, d’après le récit éponyme de Mikhail Lermontov, comptant finalement parmi les œuvres les plus connues, ou les moins méconnues, de son auteur. L’interprétation aboutie de ce soir en révèle le haut intérêt dramatique et musical.


Rappelant les personnages maudits du Hollandais volant et de Méphistophélès, le livret est bien ficelé. Refusant de se réconcilier avec le Ciel, le Démon s’éprend de Tamara, fiancée du Prince Sinodal. Celle-ci l’attend en vain, ignorant que l’homme qu’elle aime a été mortellement blessé dans une attaque des Tartares juste avant d’apercevoir le Démon. Ce dernier est convaincu que son esprit sera disposé au bien grâce à l’amour de Tamara. La jeune fille succombe mortellement à sa beauté surnaturelle. L’Ange lui annonce qu’elle entrera au Paradis tandis que le Démon sera condamné à la solitude éternelle. A cette trame fantastique s’ajoute une musique le plus souvent inspirée et toujours captivante, malgré une orchestration moins fine et élaborée que celle d’un Borodine, d’un Rimski-Korsakov ou d’un Tchaïkovski.


Les chanteurs offrent de nombreux motifs de satisfaction. Possédant une voix magnifique et supérieurement conduite, Kostas Smoriginas se montre impressionnant dans le splendide rôle-titre dont il traduit, de manière convaincante, l’évolution psychologique. La large tessiture de la voix typiquement slave de Veronika Dzhioeva, interprète de Tamara, séduit davantage dans le médium et le grave que dans l’aigu, percutant mais dur, la soprano développant, en contrepartie, une ligne de chant puissante et agile. Quelle dommage de ne pas entendre davantage Boris Rudak, son personnage, le prince Sinodal, n’apparaissant que dans le premier acte : le timbre, lumineux, présente de vifs attraits et le chant s’avère d’excellente tenue. Ante Jerkunica incarne un Prince Grudal saisissant de présence et de maîtrise, la voix toujours aussi belle de cette formidable basse croate engrangeant des points grâce à sa solidité, sa profondeur et son expressivité, le phrasé ne laissant rien à désirer.


Alexander Vassiliev incarne un vieux servant magnifique : ce chanteur de grande classe met un valeur la beauté de son timbre, cultive un phrasé de qualité supérieure et fait preuve d’un sens de la nuance absolument remarquable. Elena Manistina a bel et bien une voix typique de nourrices russes du répertoire lyrique au caractère fort mais capables de compassion. Dans le petit rôle du Messager, le probe Igor Morozov contribue au niveau élevé de la distribution. La seule déception provient de la prestation de Christianne Stotijn, à contre-emploi dans le personnage de l’Ange : manquant de raffinement et de légèreté, le chant, au vivrato parfois malmené, ne se conforme pas vraiment à l’idée communément admise d’un personnage céleste.


Remarqué dans les trois opéras de Rachmaninov au Cirque royal en juin, Mikhail Tatarnikov obtient d’un orchestre expressif, intense et précis une sonorité idiomatique et colorée. Le chef, qui veille à l’équilibre afin de préserver les voix, imprime à cette belle musique un souffle romantique très à-propos. Très sollicités dans les premier et deuxième actes, les Chœurs de la Monnaie et ceux de la Radio flamande affichent beaucoup de rigueur, de puissance et de cohésion. Quant à Benoît Giaux, il peut être fier de ses troupes : placés en hauteur, la Choraline et les jeunes chanteurs de l’Académie de la Monnaie chantent avec une finesse et une pureté très évocatrices. Il faut maintenant espérer que la Monnaie programme enfin un opéra de Rimski-Korsakov.



Sébastien Foucart

 

 

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