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Sur les pas de Shakespeare

Mulhouse
Théâtre de la Filature
12/20/2015 -  et 22 décembre 2015 (Mulhouse), 7, 8, 9, 10* (Strasbourg), 16, 17 (Colmar) janvier 2016
Ophelia, madness and death
Musique : Henry Purcell, Frank Henne, David Lang
Susie Buisson, Sandra Ehrensperger, Yann Lainé, Renjie Ma, Stéphanie Madec-Van Hoorde, Jean-Philippe Rivière, Marwik Schmitt (danseurs)
Douglas Lee (chorégraphie, costumes, décors), Jean Gay (arrangement musical), Bonnie Beecher (lumières)

Fatal
Musique: Franz Schubert/Gustav Mahler (Quatuor n° 14 «La Jeune Fille et la mort»)
Monica Barbotte, Erika Bouvard, Susie Buisson, Kusi Castro, Eureka Fukuoka, Anna Ishii, Anna-Maria Maas, Valeria Quintana Velasquez, Wendy Tadrous, Dongting Xing (danseurs)
Rui Lopes Graça (chorégraphie, costumes), Jean Gay (arrangement musical), Bonnie Beecher (lumières)

Roméo et Juliette (extraits)
Musique: Serge Prokofiev/Carlos Dominguez-Nieto
Stéphanie Madec-Van Hoorde (Juliette), Hamilton Nieh (Roméo), Jean-Philippe Rivière (Mercutio), Miao Zong (Tybalt), Marwik Schmitt (Paris), Alain Trividic (Monsieur Capulet), Erika Bouvard (Madame Capulet), Anna Ishii (Mab), Wendy Tadrous (La nourrice), Dane Holland (Frère Laurent), Boyd Lau (Le Capitaine)
Bertrand d’At (chorégraphie), Mark Pace (mise en répétition), Carlos Dominiguez-Nieto (arrangement musical), Rudy Sabounghi (décors et costumes)
Orchestre symphonique de Mulhouse, Myron Romanul/Wolfgang Heinz* (direction)

Après une ouverture de saison sous le signe de Stephan Thoss, le Ballet de l’Opéra national du Rhin propose un programme sous celui de Shakespeare, combinant deux créations avec un hommage à Bertrand d’At, en donnant une version condensée de Roméo et Juliette.


Dans Ophelia, madness and death, Douglas Lee met en pas une des séquences les plus fortes d’Hamlet, la mort d’Ophélie, qui a connu une riche postérité artistique – on songe entre autres à l’iconographie qu’elle a suscitée. Privilégiant une sobriété d’anthracite, aux accents intemporels, la lecture du chorégraphe britannique suspend l’intensité dramatique au profit d’une poétique éthérée, aux confins de l’hallucination, soutenue par une bande musicale alternant accent baroque italien et introspection de la viole de Purcell compilée par Jean Gay. Se détachant de la simplicité des costumes, une figure à la robe tressée de lianes et de fleurs rappelant Millais, au geste rare, sinon hiératique, condense le destin de la jeune fille, métonymie où se rejoignent les commentaires des autres solistes, doubles et personnages résumant son histoire jusqu’à son issue fatale. Les dix danseurs affirment une homogénéité au diapason d’une narrativité à l’apparence abstraite, où la retenue du pathos participe de l’émotion singulière qu’elle dégage.


Cet investissement de la technique exempt de narcissisme se retrouve dans Fatal, sur une adaptation de l’orchestration de Mahler pour cordes du Quatorzième Quatuor «La Jeune Fille et la mort» de Schubert. A rebours de la sombre lumière de l’opus précédent, Rui Lopes Graça joue la carte des pastels. Si la partition romantique, confiée aux musiciens de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, répond à la véhémence inspiratrice de Macbeth, la fluidité et la souplesse de l’écriture chorégraphique ne recherche aucune redondance tragique. Avec un vocabulaire adverse à Douglas Lee, le présent opus développe une semblable rêverie sur l’irréel, que la virtuosité et l’élégance des interprètes portent remarquablement.


En seconde partie, la réduction du Roméo et Juliette de Bertrand d’At rappelle l’aura d’une figure essentielle du Ballet du Rhin, dont il fut directeur pendant dix-sept ans, avec l’une de ses créations les plus emblématiques. L’exercice ne manque pas de risque, et la mise en répétition par Mark Pace, comme l’arrangement de la pièce de Prokofiev par Carlos Dominguez-Nieto s’attachent à fondre les coutures dans le discours. L’Orchestre symphonique de Mulhouse, sous la baguette de Wolfgang Heinz, s’adapte sensiblement à ces contraintes. Le drame de Shakespeare s’évade de la Vérone originelle pour la Russie contemporaine du compositeur. Les uniformes traduisent cette coloration slave à vagues consonances soviétiques, et la danse ne cherche pas à la démentir. Dans une distribution convoquant même des solistes presque retirés, on signalera la vigueur du capitaine de Boyd Lau ou le caractère bien trempé de Miao Zong en Tybalt. Jean-Philippe Rivière ne pâlit point en Mercutio, quand Dane Holland impose un Frère Laurent à la stature haute mais non autoritaire. Quant au couple des amants, l’abandon de la Juliette de Stéphanie Madec-Van Hoorde aux bras du Roméo empreint de sentiment campé par Hamilton Nieh réserve un duo d’amour émouvant d’onirisme. Même élaguée, la puissance presque cinématographique du Roméo et Juliette de Bertrand d’At demeure intacte.



Gilles Charlassier

 

 

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