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La valse des adieux ?

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/06/2016 -  et 7, 8, 9, 10 janvier 2016
«From black to blue»
She was black

Musique: Henryk Górecki (Quatuor à cordes n° 2 «Quasi une fantasia») et musique traditionnelle de Mongolie
Mats Ek (chorégraphie), Ellen Ruge (lumières)
Semperoper Ballett Dresden
Solo for 2
Musique: Arvo Pärt (Für Alina, Für Arinushka, Spiegel im Spiegel)
Mats Ek (chorégraphie), Erik Berglund (lumières), Peder Freiij (décors et costumes)
Dorothée Delabie, Oscar Salomonsson (danseurs)
Hâche (création)
Musique: Tomaso Albinoni (Adagio en sol mineur, interprété par le Flesh Quartet)
Mats Ek (chorégraphie), Jörgen Jansson (lumières), Katrin Brännström (décors et costumes)
Ana Laguna, Yvan Auzely (danseurs)


She was black


Qui aurait pensé il y a tout juste un an, quand Paris découvrait la version très singulière de Roméo et Juliette de Mats Ek qu’était venue danser le Ballet royal de Suède au Palais Garnier pendant les vacances du Ballet de l’Opéra de Paris, que le retour à Paris du génial chorégraphe suédois serait un dernier tour de valse? Le dernier, vraiment? On ne sait que croire... Interrogé par les journalistes de toute l’Europe, Mats Ek ne dit pas à tous exactement la même chose. Au Figaro: «J’ai longtemps mûri la décision de m’arrêter avec mes amis et ma famille», au Monde: «Je ne m’interdis pas de revenir». Les plus informés disent qu’il a envie de voir ce que c’est que d’avoir un agenda vide pendant deux ans et de partir en vacances et que, sa compagne et muse de toujours Ana Laguna ayant encore envie de danser, il n’est pas interdit que ce soit elle qui ait le dernier mot...


A soixante-dix ans, dont cinquante ans de carrière, Mats Ek a bien mérité de souffler. Mais le peut-il vraiment avec une telle ascendance? Fils de l’acteur bergmanien Anders Ek et de la fondatrice du Ballet de Suède Brigitte Cullberg, acteur depuis l’enfance puis danseur et chorégraphe, frère du danseur Niklas Ek, le grand Mats n’est-il pas intriqué dans un processus créatif sans fin? C’est certainement ce que semble dire ce triptyque «From black to blue» qu’il a mis au point pour cette tournée d’«adieux» qui commence au Théâtre des Champs-Elysées à l’invitation de «TranscenDanses», hautement signifiant à plus d’un titre, alors qu’il aurait pu reprendre paresseusement un de ses ballets au succès mondial, le plus emblématique étant Giselle qu’il a campée en idiote du village finissant ses jours dans un hôpital psychiatrique. Et que l’on ne devrait plus jamais voir, car le pire, le sans précédent et le plus cruel de cette annonce de retraite est que le chorégraphe retire sa licence à tous les théâtres qui remontaient régulièrement ses chorégraphies. Pour Giselle, le Ballet de l’Opéra national de Paris, à l’époque où Patrick Dupont en était le directeur, avait institué une alternance avec la Giselle traditionnelle, sa chaumière et son acte blanc des Willis, afin que les spectateurs puissent subir le choc salutaire des deux soirées successives.


Soirée en deux parties, «From black to blue» commence avec une reprise, She was Black, une chorégraphie de 1994 que l’on n’avait pas vue depuis 1996 à Paris, quand le Ballet Cullberg l’avait dansée au Théâtre de La Ville, avec comme interprète le super luxueux Ballet de l’Opéra Semper de Dresde. Cousue sur un quatuor de Górecki et des musiques traditionnelles de Mongolie, c’est une longue séquence de quarante-cinq minutes bien articulées avec deux pas de deux sidérants d’invention, des solos, des tableaux dans lesquels l’absurde le dispute à l’humour. Comme toujours chez Mats Ek, la folie n’est jamais très loin de la passion et on est ébahi par cette pièce qui ne ressemble à rien de déjà vu dans son décor sombre de Peder Freiij superbement éclairé, et en même temps contient tout l’art de son créateur, comme un résumé où il utilise son vocabulaire si singulier comme une signature, les sauts décalés, la danse cambrée, les pliés appuyés jusqu’au sol et cet art de ne jamais se répéter.



Hâche


La seconde partie, à la grande surprise du public qui ne sait s’il faut applaudir ou bien attendre pendant un surprenant et inattendu changement de décor à vue, est composée de deux duos: Solo for 2, qui est la version chorégraphiée de la pièce Smoke originellement réalisée pour être filmée dansée par Sylvie Guillem et Niklas Ek, et une création, la dernière peut être de Mats Ek pour deux de ses interprètes les plus dévoués, sa compagne Ana Laguna et Yann Auzely.


Le premier, dansé par deux jeunes interprètes, Dorothée Delabie du Ballet de Lyon (une interprète pour cette compagnie de la Giselle d’Ek) et le Suédois Oscar Salomonsson, traite de la difficulté des rapports de couple, une course-poursuite qui n’est pas sans évoquer le traitement de la vie conjugale par Ingmar Bergman. La musique d’Arvo Pärt ajoute son zeste de tristesse à la nostalgie qui se dégage de cet incroyable duo qu’interprètent avec fougue et tendresse ces deux jeunes danseurs, probablement les derniers à le danser. Puis exeunt la porte et l’escalier qui en sont le décor, et support comme toujours chez Ek de cette chorégraphie passionnelle, et apparaissent des bûches et un billot pour Hâche dont le support est, osons l’écrire, une scie, l’ineffable «Adagio d’Albinoni». Ana Laguna et Yvan Auzely campent un couple qui aurait leur âge et occupent leurs vieux jours à des tâches domestiques, très stylisées, sauf pour la coupe du bois, qui est bien réelle. On reste admiratif devant l’énergie, la grâce, la souplesse avec laquelle Ana Laguna danse ce qui semble être un chant du cygne et apparaît d’une fraîcheur indicible.


De ce spectacle on sort la gorge serrée, convaincu qu’à soixante-dix ans, Mats Ek aurait encore tant à dire...



Olivier Brunel

 

 

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