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Susanna et ses anges

Madrid
Auditorio Nacional
12/14/2015 -  et 13 décembre 2015 (Wien)
Georg Friedrich Haendel: Susanna, HWV 66
Sophie Karthäuser (Susanna), Carlos Mena (Joacim), Alois Mühlbacher (Daniel), Marie-Sophie Pollak (La servante de Susanna), Paul Schweinester, Levente Páll (Les deux anciens), Günter Haumer (Chelsias)
Orchestre & Consort der Wiener Akademie, Martin Haselböck (direction musicale)


(© Centro Nacional de Difusión Musical)


Le cycle «Universo Barroco» du Centre national de diffusion musicale a très bien commencé cette année. De façon très haendélienne, qui plus est. Versions de concert, toujours, et une seule représentation. En novembre, Jean-Christophe Spinosi et l’Ensemble Matheus ont donné une très belle interprétation de Serse, un des opéras connus d’Haendel, parmi le grand nombre de titres toujours cachés ou pas joués – mais on ne peut pas se plaindre, les choses étaient bien pires il n’y a pas si longtemps. Un succès grâce à une belle distribution: Josè Maria Lo Monaco, Hanna Husáhr, Sonia Prina et Kerstin Avemo. En janvier, ce sera Il Pomo d’Oro dans Partenope, également de Haendel, avec Philippe Jaroussky (samedi 23).


Mais il s’agit aujourd’hui d’une rareté haendélienne, Susanna (Covent Garden, février 1749), un oratorio dramatique en anglais, tout à fait opératique, de l’époque où Haendel résistait comme un lion à la ruine, aux faillites, aux difficultés toujours accablantes que produisent les théâtres d’une façon aussi naturelle que déroutante. Et fatigante pour un artiste, malgré la capacité de notre musicien à exercer des fonctions dans la gestion des théâtres: on se situe à l’époque où Haendel, à peu de choses peu près, ne composait plus d’opéras en italien – plus de mises en scène, plus de de voix italiennes importées.


La légende biblique de Suzanne est généralement considérée comme apocryphe par les protestants, mais les catholiques, plus proches d’une vision théâtrale des choses, en ont profité pour donner encore plus de vie aux histoires bibliques, et surtout pour offrir aux artistes la possibilité de peindre une femme nue surveillée par deux vieillards pervers. Les ouvrages pour le théâtre ne manquent pas: au XXe siècle, il faut se souvenir d’un très bel opéra américain, Susannah, de Carlisle Floyd, guère joué en Europe, même si, en Espagne, il a été monté à Bilbao, au Palais Euskalduna, en 2010.


La version de concert de cette Susanna a été, comme d’habitude, un peu «mise en espace»: autrement dit, il y avait un peu d’action théâtrale de la part des chanteurs. Cela aide toujours à une compréhension de l’intrigue, même dans un oratorio comme celui-ci (et comme dans les opéras du baroque tardif et de tout le XVIIIe siècle), où l’action dramatique est interrompue par les arie da capo ou les ensembles. Martin Haselböck a dirigé une petite formation d’une trentaine de musiciens jouant sur instruments anciens (des cordes, deux hautbois, basson, clavecin et, pour le finale, deux trompettes naturelles et timbales). La beauté du son et le sens dramatique sont chez Haselböck d’une efficacité au service des voix et du drame; ce n’est pas une attitude discrète, mais une discrétion d’interprète accompli, dont le talent frôle le génie sans démonstrations excessives.


La distribution a été dominée, comme le livret l’exige, par les voix de la soprano Sophie Karthäuser et du contre-ténor Carlos Mena. La voix puissante, expressive, d’une grande capacité d’émission et au beau vibrato de Karthäuser est favorisée par son sens du drame en tant qu’actrice. Mena a une belle voix de contre-ténor, pas de haute-contre, une voix aérienne, qui semble irréelle, d’une beauté pénétrante réussissant à faire de ses personnages quelque chose au-delà de l’humain, comme dans le cas de ce Joachim, personnage lointain, mais présent dans l’action (ici, la lontananza serait une difficulté poétique ajoutée dans la situation de harcèlement et de conflit qui surprend soudainement Susanna). Les duos entre Karthäuser et Mena ont été le meilleur d’une soirée spécialement réussie.


Une surprise nous attendait vers la fin: l’apparition du jeune Daniel, un enfant prenant la défense de Susanna devant les fausses dénonciations des vieux juges prévaricateurs et possédés. Le jeune contre-ténor autrichien Alois Mühlbacher a provoqué l’ahurissement de tous et son air, «Tis not age’s sullen face», a été plus applaudi que tout autre au cours de cette soirée, malgré les grandes qualités du couple de premiers rôles tout au long de ces deux heures et demie de concert. Une très belle surprise que cette jeune voix qu’on connaissait par ses exploits quand Alois était un enfant (c’est-à-dire il n’y a pas longtemps) et qu’on a pu voir à l’écran.


Marie-Sophie Pollak, très jeune soprano, a une belle voix et il semble qu’elle ait un bel avenir devant elle. Les deux vieux méchants, parfois très drôles, ont été servis par les belles voix et le sens de la comédie Paul Schweinester et Levente Páll, ténor et baryton-basse. Günter Haumer et Georg Klimbacher, ce dernier issu du petit chœur, ont complété très dignement une distribution de très haut niveau, avec des spécialistes de la période, comprenant au moins deux «stars» avérées et une autre qui s’élève et s’élèvera rapidement: Susanne et ses deux anges.


Un concert d’une beauté extraordinaire, comme d’habitude dans le cycle «Universo Barroco» du Centre national.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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