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La seconde jeunesse de Roberto Alagna Paris Opéra Bastille 11/02/2015 - et 5*, 8, 11, 14, 18, 21, 25 novembre 2015 Gaetano Donizetti : L’elisir d’amore Aleksandra Kurzak (Adina), Roberto Alagna (Nemorino), Mario Cassi (Belcore), Ambrogio Maestri (Il Dottor Dulcamara), Mélissa Petit (Giannetta)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Donato Renzetti (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène et costumes), Chantal Thomas (décors), Joël Adam (lumières), Agathe Mélinand (dramaturgie)
R. Alagna (© Vincent Pontet/Opéra national de Paris)
Voilà que nous revient, après déjà deux reprises (voir ici, ici ici et ici), cet Elixir d’amour finement mis en scène par Laurent Pelly. A peine si le bouquet s’en est émoussé – moins de répétitions, peut-être ? Ce côté film italien des années 1950-1960, avec trattoria et vespa, pyramide de bottes de foin, petit chien traversant la scène fonctionne toujours bien. Et Roberto Alagna, Nemorino naïf et touchant, s’intègre parfaitement à la production dans un des grands rôles de ses débuts. Mais qu’allait-il donner, alors qu’il ne cesse d’aborder des emplois plus lourds ? Le meilleur de lui-même. Légèrement voilé parfois, le soleil du timbre se conserve. Et l’émission reste souple : miracle d’une technique qui, comme chez Pavarotti, a toujours surveillé de très près le passage. L’aigu sort naturellement, sans dureté, la ligne se déploie avec tout un éventail de nuances – « Una furtiva lagrima », malgré quelque tendance à détimbrer, est un moment de grâce, chanté sous un ciel constellé.
Aux côtés de ce Nemorino généreux mais châtié, Aleksandra Kurzak succède à Angela Gheorghiu : elle fait petite figure. C’est un soprano lyrique léger au timbre monochrome, dont le médium et le grave n’ont pas de chair, alors qu’il faut ici une voix plus centrale. Si elle peut offrir de jolis moments, le chant, même stylé, est souvent trop droit et la caractérisation du personnage, plus ambivalent qu’il y paraît, reste superficielle. Sans doute Garnier lui conviendrait-il mieux – donner ce genre d’opéra à Bastille, de toute façon, constitue une hérésie. Si bien que, vu la pâleur, vocale et interprétative, du Belcore de Mario Cassi, le ténor et la basse se partagent la vedette. Ambrogio Maestri, en effet, perpétue la grande tradition de la basse bouffe rossinienne : une vraie voix, riche et profonde, un chant syllabique jamais confondu avec un parlando vaguement mis en notes, bref, du style. Et le docteur charlatan, pour être comique et manipulateur, ne sombre jamais dans le grotesque. Quant à la jeune et prometteuse Mélissa Petit, on la verrait bien un jour en Adina. Mais il manque à tout cela une direction fraîche et pétillante : Donato Renzetti n’est que pesamment routinier.
Didier van Moere
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