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Postmodernisme Paris Théâtre de la Ville 10/30/2015 - et 31 octobre, 1er, 3, 4, 5, 6, 7 novembre 2015 Lucinda Childs/John Adams: Available Light Lucinda Childs Dance Company
Frank Gehry (décor), Beverley Emmons, John Torres (lumières), Kasia Walicka Maimone (costumes), Mark Grey (son)
(© Craig T. Mathew)
La danse postmoderne est à l’honneur en cet automne parisien: merci, précisément, au festival d’Automne à Paris qui fait revenir ces grandes chorégraphes américaines qu’il nous avait fait découvrir dans les années 1980, grâce à l’inlassable curiosité de son fondateur Michel Guy.
Yvonne Rainer, Trisha Brown et Lucinda Childs, respectivement au CND de Pantin (du 6 au 8 novembre), au Théâtre de Chaillot et au Théâtre de la Ville, feront courir les amateurs nostalgiques. Mais le but principal de l’opération est l’édification des générations qui ne connaissent pas encore le travail de ces trois grandes dames – aujourd’hui septuagénaires, voire octogénaire pour la première – de ce qu’il est convenu d’appeler le Judson Dance Theater, mouvement chorégraphique né à New York dans les années 1970. On ne saurait trop conseiller d’aller voir le spectacle final – hélas! – de la compagnie Trisha Brown du 4 au 13 novembre à Chaillot, un programme reprenant quatre compositions couvrant la totalité de sa période créative. La chorégraphe est atteinte d’une maladie dégénérative et sa compagnie sera irrémédiablement dissoute après cette tournée, comme le fut celle de Merce Cunningham après sa mort.
Available Light de Lucinda Childs, que présente le festival d’Automne au Théâtre de la Ville après la reprise l’an dernier de Dance (1979, collaboration au Los Angeles Museum of Contemporary Art avec Philip Glass et Sol LeWitt), date de 1983 et a été travaillé au Massachussetts Museum of Contemporary Art. La partition en est le superbe Light over Water de John Adams et le non moins somptueux décor de l’architecte américano-canadien Frank Gehry, dont une des dernières réalisations est la Fondation Louis Vuitton à Paris et dont c’était la première collaboration à une chorégraphie.
Sa scénographie est à deux niveaux, le premier figurant une scène blanche au premier plan et une série de cinq structures métalliques en forme de cage, évoquant des espaces industriels, sur lesquels est posée une plateforme formant une scène moins large. Le fond de la structure supérieure est un mur métallique de toute beauté sur lequel les éclairages savants de Beverley Emmons et John Torres créent des univers oniriques. La chorégraphie de Lucinda Childs est magique et, étant vraiment moderne en 1983, elle apparaît aussi moderne trente-deux après et non démodée comme le sont les phénomènes de mode. Les douze danseurs de la Luncida Childs Dance Company, de morphologies très diverses, sont répartis sur les deux plateformes. Deux ou trois semblent montrer, sur celle du haut, les cellules chorégraphiques minimalistes toujours élégantes, tournoyantes et souvent très gymniques, aux autres danseurs qui les répètent selon une chorégraphie merveilleusement réglée. Tous dansent à distance les uns des autres, mais sont connectés suivant des géométries savantes, des lignes très construites et les répétitions créent un phénomène hypnotique aussi envoûtant que l’est la musique d’Adams. Celle-ci procède par cellules répétitives et comporte plusieurs épisodes bien tranchés donnant à l’ensemble d’une petite heure une structure tripartite très bien balancée.
Avec une allure incroyable et une silhouette de ballerine, Lucinda Childs est venue au «rideau» partager avec sa troupe un triomphe bien mérité.
Olivier Brunel
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