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Berlioz à cartes rebattues

Lyon
Opéra
10/07/2015 -  et 9, 11, 13, 15*, 18, 20, 22 octobre 2015
Hector Berlioz : La Damnation de Faust, opus 24
Charles Workman (Faust), Kate Aldrich (Marguerite), Laurent Naouri (Méphistophélès), René Schirrer (Brander)
Chœurs et Maîtrise de l’Opéra de Lyon, Philip White (chef des choeurs), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Kazushi Ono/Philippe Forget* (direction musicale)
David Marton (mise en scène), Barbara Engelhardt (dramaturgie), Christian Friedländer (décors), Pola Kardum (costumes), Henning Streck (lumières)


(© Bertrand Stofleth)


Après Capriccio en 2013 et Orphée et Eurydice au printemps dernier, David Marton livre sa troisième collaboration avec l’Opéra de Lyon par une Damnation de Faust qui pousse la réécriture dramaturgique encore plus loin qu’avec Gluck. On ne s’arrêtera pas sur la légitimité d’une pratique jugées par d’aucuns, avec raison, comme fort discutable.


Dans la «légende dramatique» que Berlioz a tirée de l’œuvre de Goethe, le metteur en scène hongrois fait passer des récitatifs en séquences parlées, à l’image du dialogue initial entre le docteur et Méphistophélès sur le chemin de la taverne transposé dans l’habitacle d’une voiture mêlant souvenirs cinématographiques français ou américains, selon les références de chacun, ou encore des translations d’interventions solistes vers le chœur, telle la multiplication du diable à son apparition. On ne saurait nier que le foisonnement d’idées mendie l’exégèse, quitte à bousculer les codes et les équilibres formels de l’ouvrage. Certaines séduisent par leur décalage teinté d’humour: la course à l’abîme prend une allure hitchcockienne, parodiant Vertigo, quand le départ de Méphistophélès filmé à travers les couloirs de l’Opéra vers la rue, mallette à la main avec le sentiment de la mission accomplie témoigne d’une évidente maîtrise dramaturgique. D’autres propositions cèdent davantage à la facilité ou la perplexité, à l’instar des redondances parlées des chœurs, condamnant le comportement du héros, alors que le texte initial ajouté, s’il peut agacer par sa tonalité d’engagement politique à l’heure des afflux de réfugiés, est manié avec davantage d’habileté poétique. A cette aune, on soulignera la tonalité embrunie de l’Air de la puce, qui donne une inattendue consistance à cette chanson à boire.


Pâle savant au chapeau, le Faust de Charles Workman ne possède pas davantage de couleurs dans une émission souvent trop blanche: le lyrisme peut-être excessif que d’autres y ont insufflé est loin. Du moins s’apprécie la clarté de l’intonation, aux vertus incontestables d’intelligibilité. Malin au regard pointu de Fantômas, lunettes en sus, Laurent Naouri manie avec virtuosité les changements de registre de Méphistophélès, qui lui épargne d’alourdir inutilement le démoniaque – les avantages de la subtilité dramatique ne sauraient se révéler plus éloquents. Kate Aldrich possède les atours d’une Marguerite sensible et musicalement investie, quand le Brander de René Schirrer conserve essentiellement la souvenance d’une voix qui s’en va progressivement. Si l’on saluera la souplesse des chœurs, plus sollicités que la partition ne l’exige, la direction de Philippe Forget, qui prend le relais de Kazushi Ono les 15 et 22 octobre, laisse une impression mitigée, à trop vouloir chercher des sonorités et des équilibres inédits qui font douter parfois du respect de la lettre. A croire qu’au diapason de la réussite de Marton, il en faudrait signer l’échec de Berlioz.



Gilles Charlassier

 

 

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