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La grande barbe blanche de Brahms Geneva
Victoria Hall
09/28/2015 - et 12 juillet 2015 (Chambord)
Johannes Brahms: Sonates pour violon et piano n° 1, opus 78, n° 2, opus 100, et n° 3, opus 108
Renaud Capuçon (violon), Nicholas Angelich (piano)
La dernière saison musicale genevoise s’était terminée par un récital d’Anne-Sophie Mutter où la violoniste avait interprété la Sonate opus 100 de Johannes Brahms avec autorité et grandeur mais un peu trop de sévérité pour une pièce aussi chaleureuse.
C’est une approche plus intimiste qui nous est proposée par Renaud Capuçon et Nicolas Angelich. Si le violoniste français n’a pas la dynamique sonore de son aînée allemande, sa prestation est d’un niveau aussi élevé. La profondeur de sa sonorité et en particulier la subtilité de son vibrato nous donnent des moments de grande beauté et d’une rare intensité. Nicholas Angelich est quant à lui un pianiste brahmsien comme on se plaît à l’imaginer: une sonorité profonde et colorée, un piano complètement ouvert, une richesse des harmoniques soutenue par une formidable «main gauche».
Les deux artistes se connaissent bien et cela s’entend par une complémentarité dans les phrasés et dans un certain art de faire passer d’un instrument à l’autre la ligne mélodique avec naturel. Il y a plusieurs moments où Angelich couvre un peu le violoniste mais ceci respecte la qualité orchestrale de l’écriture pianistique de Brahms et ceci est plus en situation que l’approche certes très attentive mais trop mesurée et retenue de Lambert Orkis, accompagnateur d’Anne-Sophie Mutter. C’est un vrai duo qui nous donne ici de réelles œuvres pour violon et piano.
Il y a enfin une autre différence très fondamentale entre l’approche des deux artistes. Si le duo Mutter/Orkis adoptait des tempos très animés, trop animés de façon générale, celui de Capuçon et Angelich privilégie cette fois-ci une approche souvent trop modérée. Les mouvements des Sonates opus 78 et opus 100 sont ainsi insuffisamment différenciés. Certes, cela permet aux musiciens de privilégier tout une quantité de détails et des moments pleins de caractère et de profondeur. Cela ne les empêche pas de trouver des phrasés assez amples mais la recherche d’une très longue ligne pèse sur l’œuvre et ne permet pas de faire ressortir l’architecture globale et son caractère organique. Les tempos adoptés dans la Sonate opus 108, qui est une pièce dont le final est marqué Presto agitato, sont plus convaincants mais en fin de compte, cette soirée souligne bien la grande difficulté de trouver chez Brahms le tempo idéal dans une musique où l’on voudrait à tous les instants s’arrêter pour mieux en apprécier les détails mais qui est en fait si construite.
Très applaudis par un public concentré de connaisseurs, les deux musiciens nous donnent en bis le Scherzo de la Sonate FAE, un mouvement plein de vigueur et de passion où le texte ne permet aucun alanguissement.
Le public romand aura de nombreuses occasions de retrouver ce grand violoniste. La soliste Renaud Capuçon se produira avec l’OSR et Osmo Vänskä dans le Concerto de Beethoven ainsi que dans un programme français avant que ces musiciens ne s’envolent pour une tournée qui les amènera en Asie. Le chambriste Renaud Capuçon sera de retour en février avec un quatuor qui porte son nom dans un programme Beethoven/Schubert. Et n’oublions pas le professeur Renaud Capuçon qui enseigne à la Haute Ecole de Musique de Lausanne.
Cette soirée était la première de la saison des Grands Interprètes. Elle nous permettra de retrouver des habitués comme Christian Zacharias, Lang Lang, Radu Lupu avec la Kremerata Baltica, Nelson Goerner et Hélène Grimaud, et offrira un programme de musique de chambre ambitieux où les grands ensembles du moment : Fauré, Prazák, Ebène, Casals, Pavel Haas, Borodine et Hagen mélangeront les classiques du répertoire du quatuor avec Kurtág, Prokofiev, Chostakovitch, Dutilleux...
La saison 2015-2016 des Grands Interprètes
Le site de Renaud Capuçon
Antoine Lévy-Leboyer
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