Back
Boston en majesté Paris Philharmonie 1 09/03/2015 - et 25 (Salzbourg), 31 (Luzern) août 2015 Richard Strauss : Don Quixote, opus 35
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 10, opus 93 Yo-Yo Ma (violoncelle)
Orchestre symphonique de Boston, Andris Nelsons (direction)
A. Nelsons (© Marco Borggreve)
Boston fidèle à lui-même et à son histoire : voilà ce qu’a montré le concert d’ouverture de la saison à la Philharmonie, que le Premier ministre a honoré de sa présence – pied-de-nez à ceux de ses « amis » qui trouvent la musique classique élitiste ? Pour certains le BSO est le premier des big five, devant Chicago, Cleveland, New York et Philadelphie – on n’en attend pas moins avec impatience San Francisco et Michael Tilson Thomas.
Formidable machine, en effet, où l’éclat des cuivres garde de la rondeur, où la précision des cordes n’assèche jamais leur moelleux, où les bois exhalent une saveur capiteuse... Mais si Alan Gilbert faisait naguère tourner à vide la machine newyorkaise, Andris Nelsons, reconduit dans ses fonctions à Boston, donne une vie à la sienne, au-delà du tour de force virtuose. Il creuse surtout davantage les partitions, comme ce Don Quichotte de Strauss où l’on perçoit tout, grâce sans doute à l’ampleur de la respiration. Mais à la différence d’autres, le chef letton, dont la maturité étonne toujours, ne sacrifie pas l’ensemble au détail, écueil de ces variations aux climats si divers : il avance, à la faveur d’un art consommé de la transition, quitte à uniformiser un peu la narration. Lecture assez sombre au demeurant, plus lyrique qu’épique, à laquelle il manque seulement, ici ou là, l’humour ou le « fantastique ». Yo Yo Ma, lui, refuse la flamboyance de l’épopée, plus rêveur que picaresque, fantasque mais intimiste, sans cesse à l’écoute, le regard tourné vers le chef, vers le premier violon, vers le formidable Sancho de Steven Ansell – les sonorités veloutées qu’il tire de son violoncelle, au moment de la mort de Don Quichotte, remuent l’âme.
Dans la Dixième Symphonie de Chostakovitch, qu’ils viennent d’enregistrer pour Deutsche Grammophon, Nelsons et ses musiciens montrent la même éblouissante maîtrise, remarquables par l’équilibre entre la clarté et une tension entretenue par la direction toujours très physique du chef, dont le corps balance, se tord même, à l’unisson de la musique. Son sens de la forme atteint ici son apogée, dès le Moderato initial, entre désolation et cris de douleurs, où les solos sont magnifiques. L’Allegro éblouit par sa virtuosité démoniaque, mais sans cette effroyable noirceur qu’on trouvait chez les grands chefs russes – question de génération aussi : les traits du « portrait de Staline » finissent par s’estomper. On n’en admire pas moins la grandeur et l’architecture de l’Allegretto, avec ensuite une transition très subtile vers l’Andante, avant la libération douce-amère, aux facéties ambiguës de l’Allegro final. Le bis est de Chostakovitch : vertigineux galop de Moscou Tcheriomouchki, comme un pendant jubilatoire et libéré du Scherzo grinçant de la Dixième.
Le site d’Andris Nelsons
Le site de l’Orchestre symphonique de Boston
Didier van Moere
|