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Mahler de poche

Noyers
Eglise Notre-Dame
07/26/2015 -  et 24 (Saint-Yrieix-la-Perche), 25 (Cluny) juillet 2015
Antonín Dvorák : Bagatelles, opus 47, B. 79
Gustav Mahler : Symphonie n° 4 (arrangement Erwin Stein) (*)

Marijje van Stralen (soprano)
Camerata RCO: Herman van Kogelenberg (flûte), Miriam Pastor Burgos (hautbois), Hein Wiedijk (clarinette), Jeroen Bal (piano), Franka Herwig (accordéon), Marc Aixa Siurana, Bence Major (percussions), Marc Daniel van Biemen, Annebeth Webb (violon), Jeroen Woudstra (alto), Jérôme Fruchart (violoncelle), Olivier Thiery (contrebasse), Lucas Macías Navarro (*) (direction)


M. van Stralen


Pour le dernier concert payant de l’édition 2015 – les prestations des élèves des classes de maître d’Anne Queffélec et Tedi Papavrami sont en effet à entrée libre –, les Rencontres musicales de Noyers ont vu grand, en invitant l’Orchestre royal du Concertgebouw (RCO) d’Amsterdam. Mais comme l’exiguïté de la scène installée dans le chœur de l’église Notre-Dame contraint quand même les organisateurs à la modestie, le festival nucérien doit se contenter de la «Camerata RCO», formation de chambre constituée en 2009 par de (jeunes) membres de cet orchestre: comme leurs camarades du Philharmonique de Berlin, les musiciens, nantis de la prestigieuse étiquette du Concertgebouw peuvent ainsi parcourir le monde pour se produire dans des formations à géométrie variable. Parmi les douze qui se présentent au public en ce dimanche, tous ne figurent toutefois pas actuellement dans les rangs de la phalange amstellodamoise: le flûtiste Herman van Kogelenberg, par exemple, l’a quittée en 2010 pour rejoindre le Philharmonique de Munich et le jeune percussionniste Marc Aixa Siurana, s’il a suivi l’Académie de l’orchestre durant la saison dernière, n’en fait pas partie, du moins pas encore.


Dans cette belle campagne bourguignonne, les Bagatelles (1878) pour deux violons, violoncelle et harmonium de Dvorák sont comme chez elles, puisant au plus profond du terroir leurs racines champêtres et leur désarmante fraîcheur, même si la perfection instrumentale des pupitres du Concertgebouw – où l’accordéon, comme c’est parfois l’usage, remplace sans inconvénient l’harmonium – vient presque démentir cette saveur rustique. Sans solution de continuité, grâce à une parenté de caractère (une même naïveté pastorale) et d’origine (Mitteleuropa) mais moyennant aussi un efficace changement de plateau, la Camerata en vient à la pièce de résistance du programme, la Quatrième Symphonie (1900) de Mahler, celle des dix qui se prête probablement le mieux – ou le moins mal – à l’exercice de la réduction.


Réalisé en 1921 pour flûte, hautbois, clarinette, harmonium, piano, quintette à cordes et percussion, essentiellement métallique (deux exécutants), l’arrangement appartient aux nombreux travaux réalisés pour la Société d’exécutions musicales privées fondée après la Première Guerre mondiale par Schönberg. L’auteur en est un l’un de ses anciens élèves, Erwin Stein (1886-1958), qui assurait alors l’intérim de son maître à la présidence de cette association. Il émigra au Royaume-Uni en 1938, où il fut embauché par Boosey and Hawkes: il y édita les partitions de Britten, qui lui dédia son opéra Le Viol de Lucrèce, et publia la première édition de la correspondance de Schönberg. Une certaine ambiguïté plane cependant sur la paternité exacte de cet arrangement: Stein en avait perdu le manuscrit à la suite de son exil et c’est sa fille, Marion Thorpe, qui, à la demande des héritiers de Britten, reconstitua à partir des annotations portées par son père sur la partition originale une version qui fut ainsi recréée en 1993.


Bien sûr, à notre époque, la nécessité de ces adaptations s’impose évidemment moins qu’en ces temps héroïques des années 1920, où la diffusion de la musique de Mahler était bien loin d’être ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Mais il reste évidemment le plaisir de pouvoir écouter des œuvres sans avoir à mobiliser un grand effectif symphonique et d’admirer le double tour de force du transcripteur et des interprètes. Difficile, de ce point de vue, d’être en de meilleures mains que celles du Concertgebouw, fort d’une tradition mahlérienne séculaire – dès 1920, Mengelberg, son légendaire directeur musical, avait organisé à Amsterdam un «festival Mahler». En outre, la Camerata a récemment enregistré la Neuvième Symphonie dans l’arrangement de Klaus Simon (Gutman Records).


De fait, les musiciens donnent le meilleur: comment ne pas mentionner le velouté des bois – en particulier le clarinettiste Hein Wiedijk – et la précision des cordes – les aigus irréprochables des violonistes Marc Daniel van Biemen et Annebeth Webb? Mais davantage encore que ce brio individuel, c’est sans doute la réalisation d’ensemble qui frappe avant tout l’auditeur, dans une acoustique dont la qualité se confirme, grâce notamment à des panneaux réfléchissants disposés au-dessus du plateau: la mise en place, sans surprise, est impeccable, mais, surtout, l’équilibre entre les différentes voix est rarement pris en défaut et le flux de décibels reste tout à fait maîtrisé. A la tête de l’ensemble, Lucas Macías Navarro (né en 1978), par ailleurs premier hautbois solo du Concertgebouw, s’y emploie mais on pourra lui reprocher une trop grande retenue, même s’il a en même temps tendance à surligner certains effets – le portamento des cordes paraît quelquefois vraiment excessif. Cette prudence se relâche néanmoins dans le lied final, où la soprano Marijje van Stralen, si elle chante juste, semble néanmoins à la peine, avec un fort vibrato, une émission serrée, des difficultés dans le grave et un timbre nasillant.


Le site de la Camerata de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam



Simon Corley

 

 

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