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Le Grand Luisa Miller Circus

Verbier
Salle des Combins
07/20/2015 -  
Giuseppe Verdi : Luisa Miller (extraits)
Sergei Rachmaninov : Danses symphoniques, opus 45

Erika Grimaldi (Luisa), Daniela Barcellona (Federica), Piotr Beczala (Rodolfo), Simone Piazzola (Miller), Vitalij Kowaljow (Le Comte Walter), David Shipley (Wurm)
Verbier Festival Orchestra, Gianandrea Noseda (direction musicale)


(© Nicolas Brodard)


Le Festival de Verbier a débuté par une grosse déception, puisque le chef américain James Levine, qui aurait dû diriger le premier concert de l’édition 2015, a été contraint de déclarer forfait pour des raisons de santé. Son retour dans la célèbre station suisse était attendu avec d’autant plus d’impatience qu’il avait présidé à la naissance de l’Orchestre du Festival, dont il a été le directeur musical de 2000 à 2009. Par ailleurs, durant le week-end d’ouverture, un concert a dû être interrompu à deux reprises en raison d’un orage, la nature venant rappeler que Verbier ne possède pas de salle en dur, les concerts principaux se déroulant sous une tente. Puis l’opéra Luisa Miller de Giuseppe Verdi a connu, lui aussi, son lot de défections. Prévue pour le rôle-titre, Sonya Yoncheva a préféré renoncer, se rendant compte – un peu tard – qu’il lui aurait été compliqué de faire des allers et retours entre les Alpes et Baden-Baden, où elle chante en ce moment dans Les Noces de Figaro. Quelques jours plus tard, on apprenait l’annulation – sans explication – d’Ildar Abdrazakov.


Heureusement, le chef Gianandrea Noseda n’a, lui, pas fait faux bond. Dès son entrée sur scène pour diriger des extraits de Luisa Miller, il a attaqué l’Ouverture avec force et passion : arêtes aiguisées, cordes tendues, tension palpable... le drame pointait déjà avec éclat et rutilance dès les premières mesures. Il lui a suffi de quelques notes pour montrer que, dans ce répertoire, il était dans son élément, et l’orchestre a répondu magnifiquement. Un orchestre remarquable d’ailleurs, composé, il faut le rappeler, de très jeunes musiciens triés sur le volet. Malheureusement, Verbier n’ayant pu, cette année, s’offrir les services d’un chœur, ce furent uniquement des extraits de Luisa Miller qui ont été proposés au public. Las, l’exercice s’est apparenté davantage à une représentation de cirque qu’à un concert, avec une succession de numéros (airs, duos, trios et quatuor final) sans aucune transition. De surcroît, les chanteurs n’étaient pas constamment sur scène, entrant au moment de leur intervention, saluant le chef puis saluant leurs collègues, et rebelote une fois leur chant terminé, sans compter les applaudissements du public entre chaque morceau. Pour la tension dramatique et la cohérence de l’opéra, le résultat a été complètement raté. Une tranche de Verdi par-ci, une tranche de Luisa Miller par-là, le saucissonnage a été particulièrement indigeste. Et indigne d’un festival comme Verbier. Dommage, car l’œuvre, qui n’est de loin pas la plus connue du compositeur, aurait mérité une exécution intégrale, tant elle annonce clairement la célèbre trilogie populaire.


Cela étant, la soirée a néanmoins vogué à un très haut niveau musical. Impossible, on l’a dit, d’imaginer meilleur chef pour ce répertoire aujourd’hui, et la distribution vocale était brillante. Malgré une légère méforme, qui l’a contraint à forcer constamment son chant, Piotr Beczala a été le plus ardent des Rodolfo. Même si ses interventions n’ont pas dépassé cinq minutes au total, Daniela Barcellona a été la plus mordante des Federica. Simone Piazzola a incarné un Miller émouvant, en dépit de quelques difficultés dans l’aigu. La noirceur du Comte Walter de Vitalij Kowaljow a forcé l’admiration, non sans parvenir toutefois à faire oublier l’absence d’Ildar Abdrazakov. Enfin, la Luisa d’Erika Grimaldi a démontré une belle voix claire et nuancée, même si l’interprète était manifestement en retrait par rapport à ses collègues. Quels qu'aient été les mérites des uns et des autres, on ne pouvait malgré tout s’empêcher de se demander ce qu’est venu faire un chef de la trempe de Gianandrea Noseda dans une telle galère. Le lustre des Danses symphoniques de Rachmaninov en seconde partie et l’ovation qu’elles ont déclenchée n’y ont pourtant rien changé : la soirée aura été terriblement frustrante.



Claudio Poloni

 

 

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