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L’impossible fusion du verbe et de la danse Avignon Cour d’honneur du Palais des Papes 07/17/2015 - et 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25 juillet 2015 (Avignon), 17, 18 19 (Aix-en-Provence), 29, 30 septembre, 1er, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 23 octobre (Paris) 2015, 9, 10 (Clermont-Ferrand), 18, 19 (Saint-Quentin-en-Yvelines), 31 (Tarbes) mars, 11, 12 (Rueil-Malmaison), 26, 27, 28, 29 (Marseille) avril 2016 Retour à Berratham (création)
Angelin Preljocaj (chorégraphie et mise en scène), Laurent Mauvignier (texte), 79D (musique) Adel Abdessemed (scénographie), Cécile Giovansili-Vissière (lumières)
Avec Virginie Caussin, Laurent Cazanave, Aurélien Charrier, Fabrizio Clemente, Baptiste Coissieu, Margaux Coucharrière, Emma Gustafsson, Caroline Jaubert, Emilie Lalande, Barbara Sarreau, Niels Schneider, Cecilia Torres Morillo, Liam Warren et Nicolas Zemmour
(© Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon)
Pour Angelin Preljocaj, l’année 2015 sera riche. Fêter les trente ans de sa compagnie, assumer les honneurs de la cour du Palais des Papes en Avignon où il avait déjà monté, en d’autres lieux du Festival, des chorégraphies qui sont restées au répertoire de sa compagnie (successivement Paysage après la bataille, Personne n’épouse les méduses, Helikopter et Near Life Experience), c’est assumer un planning très chargé! Suivront, après Avignon, la réalisation d’un film avec Juliette Binoche d’après la bande dessinée Polina de Bastien Vivès, la reprise en septembre dans son centre chorégraphique Le Pavillon noir à Aix-en-Provence de ses deux chorégraphies réalisées pour le New York City Ballet (La Stravaganza et Spectral Evidence), une des grandes consécrations de sa carrière avec celle du Ballet de l’Opéra national de Paris pour qui il a créé en 1994 Le Parc, une de ses plus belles réussites, qui y est régulièrement reprise.
C’est dans ce contexte bousculé et cet agenda chargé qu’Angelin Preljocaj a présenté au public du soixante-neuvième festival d’Avignon Retour à Berratham, un spectacle sur lequel on aurait bien du mal à poser une étiquette qualificative (le chorégraphe s’en défend formellement) tant il défie ce à quoi est habitué le public de la danse contemporaine, pourtant très rompu aux différentes fusions possibles de la danse et du verbe avec toutes les disciplines du spectacle. Preljocaj avait réalisé pour la Biennale de Lyon en 2012 une courte et forte chorégraphie sur un récit de forme très originale de Laurent Mauvignier qui, s’appuyant sur un fait divers, narrait en une seule et immense phrase ininterrompue le passage à tabac et la mort d’un marginal par deux vigiles d’un hypermarché dans lequel il avait volé une cannette de bière. Fort de ce succès, Angelin Preljocaj a commandé à Mauvignier, avec le soutien de la fondation BNP Paribas qui l’appuie depuis ses débuts, une «tragédie épique contemporaine» pour répondre à l’invitation d’Olivier Py de réaliser un spectacle au format de la cour d’honneur. Après le ratage catastrophique du Roi Lear de Shakespeare par Py dans ce lieu, le public attendait beaucoup de Berratham.
Le moins que l’on peut dire est que celui de la première a été partagé entre déception et frustration devant un retrait massif de la danse par rapport à l’exploitation théâtrale d’un texte qui l’est lui même assez peu et maladroitement déclamé par trois comédiens prenant trop d’importance dans la partie et par les danseurs eux-mêmes. Une autre partie du public a applaudi un spectacle qui ne manquait pas d’allure dans le dispositif scénique commandé au plasticien Adel Abdessemed (plus connu pour avoir réalisé la statue du «coup de boule» historique de Zidane en 2006). Objectivement, l’ensemble pèche par sa dispersion dans l’espace et les longueurs, répétitions, redondances d’un texte qui raconte par bribes et dans une logique chronologique qui n’est pas toujours évidente, le retour au pays après une guerre que l’on suppose se situer dans les Balkans, région d’origine de la famille du chorégraphe, d’un homme à la recherche de son amour de jeunesse et de son passé. Le triste paysage de grillages, de cimetière de voitures, de sacs poubelles évoquant la mémoire des horreurs de cette guerre et ses éclairages glauques sont rehaussés par certaines scènes réussies comme celle du mariage de l’(anti)héroïne et par quelques trop rares séquences consacrées à ce qu’Angelin Preljocaj fait le mieux et ce sur quoi il a assis sa réputation, faire danser ses danseurs.
Une fois rodé, retaillé et présenté dans des salles de théâtre fermées qui magnifieront d’avantage son décor, ce Retour à Berratham devait réconcilier les nombreuses fractions du public très protéimorphe de la danse.
Olivier Brunel
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