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Court mais intense Saint-Riquier Abbatiale 07/11/2015 - et 10 juillet 2015 (Reims) Johannes Brahms: Eine deutsches Requiem, opus 45 Hendrickje Van Kerckhove (soprano), Tassis Christoyannis (baryton)
Vlaams Radio Koor, Brussels Philharmonic, Hervé Niquet (direction)
Depuis l’année dernière, Hervé Niquet est en charge de la direction artistique du festival de Saint-Riquier dont la trente-et-unième édition s’est tenue du 7 au 12 juillet. Originaire de la région et infatigable arpenteur de musiques rares, le fondateur du Concert spirituel confère à cette manifestation une identité différente par rapport aux années précédentes, ce que confirment de nouveau la programmation de cette année et le retour de ces petites particularités qui rendent une manifestation unique, par exemple l’utilisation de l’idiome régional dans les programmes rédigés à la main et la vente de produits du terroir sur le parvis («Etre festivalier, c’est aussi parler, manger et boire picard...». Moins dispersé que précédemment, le festival se concentre exclusivement sur l’abbaye, labellisée «centre culturel de rencontre», et se déroule sur une période plus courte.
Une série de rendez-vous ponctue les six journées selon un rythme immuable: outre le traditionnel concert à 21 heures en l’abbatiale, un concert de jazz se tient tous les jours à 18 heures 30 dans une grange dotée d’une acoustique tout à fait appropriée pour cette musique (Laurent Coulondre Trio, Marian Badoï Trio, Adrian Moignard Trio, RP Quartet, Swing Dealers, Eric Legnini) et un spectacle se déroule quotidiennement à 17 heures au Théâtre des Capétiens, installé dans une salle de l’abbaye, Contes japonais de Pougne-Hérisson. Accompagné par un joueur de koto et de shakuhachi, Yannick Jaulin raconte, sur un ton décalé et ironique, des histoires semées le long de l’Arcis par une troupe imaginaire de Japonais, au IXe siècle, avec des références humoristiques à la Picardie et même à Hervé Niquet – association inattendue entre l’évocation de ces personnages hybrides, souvent cocasses, parfois triviaux, et la musique, raffinée et délicate.
En outre, le festival rappelle la fonction originelle des lieux avec, par conséquent, six fois par jour (à 10, 11, 12, 14, 15 et 23 heures), des psalmodies entonnées par des chantres accompagnés à l’orgue par François Saint-Yves. Le festivalier a également le loisir de compléter sa journée à Saint-Riquier en parcourant une exposition, Anima/Animal, accessible jusqu’au 31 décembre. Intrigantes, interpellantes, parfois dérangeantes, quarante-huit œuvres et installations, certaines conçues pour l’occasion par des artistes en résidence, invitent à s’interroger sur la proximité entre l’homme et l’animal «à l’instant précis où la notion de biodiversité télescope celle de la diversité culturelle».
H. Niquet
Un an jour pour jour après celui de Fauré, le Philharmonique de Bruxelles et le Chœur de la Radio flamande reviennent dans l’abbatiale pour interpréter le Requiem allemand (1868) de Brahms. Hervé Niquet, qui a dirigé le Concert spirituel dans Le Messie de Haendel quatre jours auparavant, conduit l’orchestre et les choristes au moyen d’une gestuelle vive et ferme, avec, pour résultat, une interprétation intense et ramassée. Le minutage du disque à paraître et comportant l’enregistrement de l’œuvre par les mêmes interprètes confirme l’impression de rapidité: cinquante-et-une minutes. Pourtant, l’exécution respire et ne paraît aucunement précipitée. Le chef clarifie les voix intermédiaires, perceptibles, malgré la réverbération, et accuse franchement les contrastes expressifs mais sans dépasser les limites du raisonnable. Spirituelle et exaltée, dense et centrée sur l’essentiel, la conception demeure en définitive cohérente et préserve la précision du dessin harmonique.
Placés devant l’orchestre et de part et d’autre du chef, hommes et femmes mélangés, les choristes affichent de grandes qualités de cohésion et d’écoute mutuelle. Dense et miroitante, la sonorité se déploie avantageusement dans l’acoustique de l’abbatiale, le chef respectant un équilibre satisfaisant entre les choristes et les musiciens de l’orchestre, placés de manière habituelle sur le podium. Hervé Niquet obtient de la formation bruxelloise, avec lequel il enregistre actuellement d’intéressants disques consacrés la musique française, une exécution rigoureuse et une sonorité séduisante – cordes unies et bien sonnantes, bois nuancés et éloquents. Hendrickje Van Kerckhove et Tassis Christoyannis trouvent le ton juste et s’insèrent harmonieusement dans le tissu orchestral mais les interventions d’une grande justesse expressive du baryton, qui possède une voix magnifique, attirent plus l’attention que celles, plus neutres et retenues, de la soprano.
Pour installer un climat propice au recueillement, des chantres entonnent auparavant un verset du requiem mais une autre œuvre pour chœur ou orchestre aurait complété plus substantiellement le programme. Le concert s’achève donc dès 22 heures, après que le jardinier de l’abbaye, portant un tablier et un chapeau de paille, a remis des fleurs aux interprètes.
Le site du Chœur de la Radio flamande
Le site du Philharmonique de Bruxelles
Sébastien Foucart
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