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La force du destin

Orange
Théâtre Antique
07/08/2015 -  et 11*, 14 juillet 2015
Georges Bizet : Carmen
Kate Aldrich (Carmen), Inva Mula (Micaëla), Hélène Guilmette (Frasquita), Marie Karall (Mercédès), Jonas Kaufmann (Don José), Kyle Ketelsen (Escamillo), Jean Teitgen (Zuniga), Olivier Grand (Le Dancaïre), Florian Laconi (Le Remendado), Armando Noguera (Moralès)
Chœurs des Opéras d’Angers-Nantes, du Grand Avignon et de Nice, Maîtrise des Bouches-du-Rhône, Orchestre philharmonique de Radio France, Mikko Franck (direction musicale)
Louis Désiré (mise en scène, décors, costumes), Patrick Méeüs (lumières)


(© Philippe Gromelle/Orange)


Un cadre grandiose, des conditions météorologiques idéales, un opéra parmi les plus populaires de tout le répertoire, une distribution de haut vol avec le ténor le plus adulé du moment... Tous les atouts semblaient réunis samedi pour faire de la Carmen des Chorégies d’Orange l’un des événements musicaux de l’été. D’où vient cependant le sentiment que le spectacle n’a pas pleinement convaincu, laissant les spectateurs sur leur faim ? Pour continuer dans la métaphore gastronomique, on dira plus simplement et trivialement que la mayonnaise n’a pas pris... La tragédie de la célèbre gitane s’est nouée sans éclat ni passion. La faute en incombe principalement à la direction musicale routinière et peu inspirée de Mikko Franck, à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France. Semblant soucieux uniquement de faire miroiter les couleurs et les raffinements de la partition, le maestro en a oublié le souffle et la tension, livrant une lecture certes colorée et élégante, mais sans beaucoup de relief. La mise en scène, statique, sobre et sombre n’a pas aidé non plus à allumer le feu. Les cartes géantes servant de décor sont pourtant une excellente idée, clin d’œil au célèbre trio du troisième acte et symbole du destin dans tout ce qu’il a de plus implacable. Dans les faits cependant, elles ont nui à la fluidité des mouvements des chanteurs et des figurants, de même que les nombreuses chaises et les piques disposées sur le plateau. Un plateau qui n’avait absolument rien d’hispanique, et c’est peut-être là que le bât blesse : l’absence d’espagnolades et de costumes chatoyants n’a pas eu l’heur de plaire à une bonne partie du public, qui vient à Orange essentiellement pour voir du grand spectacle, à des années-lumière de la production volontairement minimaliste et intimiste de Louis Désiré.


Les satisfactions de cette Carmen sont donc principalement venues des chanteurs. Au premier rang desquels, bien évidemment, Jonas Kaufmann, très attendu, et qui s’est révélé un somptueux Don José : diction française irréprochable, sens des nuances, phrasé impeccable, « pianissimi » ébouriffants, aigus lancés avec assurance, le chanteur n’a pas usurpé sa réputation. Son grand air du deuxième acte («La fleur que tu m’avais jetée»), aussi poignant qu’émouvant, surtout dans les dernières mesures, chantées dans un souffle de voix, a constitué le grand moment de la soirée et a été salué par une ovation. Scéniquement, le ténor allemand a subtilement incarné un personnage victime de son destin, un peu « paumé » et dépassé par les événements qui l’entourent. A l’inverse, Kyle Ketelsen a campé un toréador fringant et élégant, très sûr de lui, avec une voix particulièrement bien conduite sur toute la tessiture, jamais prise en défaut, et des graves percutants. Belle silhouette, Kate Aldrich a interprété une Carmen de grande classe, sans vulgarité ni effets aguicheurs, mais peut-être un peu trop sage et vocalement un peu terne, bref une héroïne en retrait par rapport à son partenaire. Fidèle à Orange depuis de nombreuses années et très appréciée du public, Inva Mula a prêté sa voix à une Micaëla émouvante et sans affectations. Il convient de relever aussi la qualité de tous les seconds rôles, qui ont rendu le plateau vocal particulièrement homogène. Un beau spectacle tout compte fait, mais sans plus. La seule chose qui en restera, c’est la superbe incarnation de Jonas Kaufmann, pour qui le public s’est déplacé en masse à Orange.



Claudio Poloni

 

 

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