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Dimanche de pianos

Tours
Parçay-Meslay (Grange de Meslay)
06/28/2015 -  
Johann Sebastian Bach : Suite anglaise n°1 en la majeur, BWV 806 – Capriccio sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo, BWV 992 – Toccata en ut mineur, BWV 911
Joseph Haydn: Sonate pour piano n° 60 en do majeur, Hob.XVI:50
Frédéric Chopin : Sonate n° 3 en si mineur, opus 58

Rémi Geniet (piano)


Johann Sebastian Bach : Concerto pour deux violons en ré mineur, BWV 1043
Franz Schubert/Gustav Mahler : Quatuor à cordes n° 14 en ré mineur «Der Tod und das Mädchen», D. 810

Zsófia Környei (violon)
Concerto Budapest, András Keller (violon et direction)


Frédéric Chopin : Nocturnes en ut dièse mineur, opus posthume, et en mi bémol majeur, opus 55 n° 2 – Fantaisie en fa mineur, opus 49 – Quatre Mazurkas, opus 17 – Polonaise n° 5 en fa dièse mineur, opus 44 – Vingt-quatre Préludes, opus 28
Yulianna Avdeeva (piano)




Non contente d’aimer le piano depuis que Sviatoslav Richter en a fait un haut lieu musical il y a plus de cinquante ans, la Grange de Meslay sait aussi révéler les grands noms de demain. Si Rémi Geniet (né en 1992) n’a rien d’un inconnu auprès des mélomanes, l’ultime élève de Brigitte Engerer a rejoint, avec son récital de 11 heures, cet ultime dimanche de juin 2015, le cercle restreint des alchimistes du clavier dont la personnalité musicale ne se réduit pas à son versant digital. L’intuition et la finesse du dessin dont témoigne son jeu, où le sens de la construction ne bride jamais la sensibilité, s’expriment admirablement dans la Première Suite anglaise de Bach – ouvrant, comme à l’Epau, le récital. Portée par une acoustique plus sèche sur la scène tourangelle, la lecture que le jeune soliste en propose gagne en délicatesse dans les détails comme dans le maillage polyphonique, qu’elle éclaire avec naturel et simplicité. Econome en effets, voire décantée, la sonorité ne se voit jamais contrainte par des intentions didactiques. Le généreux de l’élan impulsé dès le Prélude, innerve l’Allemande comme les Courantes, tandis que la Sarabande poudroie d’une intériorité pudique. La sincérité ne se dément ni dans les Bourrées, et encore moins dans la Gigue.


Poursuivre avec le Caprice sur le départ de son frère bien-aimé relèverait aujourd’hui presque de la gageure, tant la pièce s’est faite rare ces dernières années, alors qu’elle figurait régulièrement au programme des grandes légendes du vingtième siècle. La grande diversité formelle au fil des six parties de l’ouvrage n’effraie aucunement notre interprète, lequel en fait ressortir la liberté d’invention. Les rythmes de l’arioso initial distillent leur influence française. Le sens de l’illustration qui affleure dans le deuxième moment se confirme dans une passacaille tendrement teintée de mélancolie. L’air du postillon, en coulisses du cinquième mouvement, constitue le matériau de la brillante fugue conclusive, conduite avec fluidité, sinon décontraction. Cette synthèse entre lisibilité formelle et spontanéité se retrouve dans la Toccata en ut mineur, et plus encore dans la Soixantième Sonate de Haydn. Davantage que dans Mozart peut-être, il faut assurément une certaine maturité pour faire éclater la paradoxale fantaisie du maître d’Esterháza. Dès l’Allegro augural, l’oreille est emportée par une versatilité de l’humeur, dont Rémi Geniet souligne les couleurs avec un contagieux plaisir ludique. Pour autant, cela ne sacrifie aucunement la profondeur de l’inspiration, évidente dans un Adagio onirique, ni l’audace d’un finale que n’aurait pas renié Beethoven: la modernité véritable s’avance sans manifeste, et le pianiste français l’a parfaitement compris, démontrant sans équivoque que sans l’esprit, la lettre n’est rien.


La Troisième Sonate de Chopin qui referme le concert ne saurait dire le contraire. L’Allegro maestoso affirme une noblesse déliée, sans emprunt, que les saveurs du Scherzo n’altèrent point. Le Largo signale une respiration posée, large, sans emphase, avant un Presto final où l’énergie se passe de toute brutalité. Equilibre et simplicité n’en laissent point imposer par la transcription de Kreisler due à Rachmaninov donnée en bis, avant la dernière des Mazurkas de l’Opus 17 de Chopin, clin d’œil à la soirée de Yulianna Avdeeva (née en 1985), source de menus aménagements dans le programme de Rémi Geniet.


A l’inverse de son confrère, la pianiste russe privilégie une approche très texturée, davantage dans la sculpture du son, qu’elle pousse parfois jusqu’à la recherche. Son récital intégralement consacré à Chopin en fournit un avatar retentissant. Les deux Nocturnes en ouverture – en ut dièse mineur et en mi bémol majeur – font montre d’une concentration qui se desserre au fil de la Fantaisie en fa mineur. Les manières charpentées de l’approche ne font aucun doute: elle se distingue par une évidente franchise qui disqualifie toute minauderie sentimentaliste. Les quatre Mazurkas opus 17 l’attestent sans ambages, quitte à homogénéiser ça et là les nuances affectives. Plus encore que la Polonaise opus 44, le cycle des Préludes met en avant cette logique picturale, moins plongée dans la fluidité dynamique sous-jacente que vigilante à un cisèlement de la matière pianistique au dramatisme dialectique un rien statique.


Mentionnons enfin l’apparition du Concerto Budapest, avec András Keller au violon et à la direction, au mitan de la moiteur de l’après-midi: le BWV 1043 comme le Quatuor «La Jeune Fille et la Mort» de Schubert en version pour orchestre à cordes due à Mahler donnent raison à la réputation de l’acoustique de La Grange, un défi que tous ne relèvent pas avec un égal succès.



Gilles Charlassier

 

 

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