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Impérieuse prise de rôle

Bordeaux
Grand Théâtre
05/22/2015 -  et 25, 28, 31 mai, 2, 9 juin 2015
Vincenzo Bellini : Norma
Elza van den Heever (Norma), Andrea Carè (Pollione), Jennifer Holloway (Adalgisa), James Creswell (Oroveso), Marie Karall (Clotilda), Daniele Maniscalchi (Flavius)
Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, Salvatore Caputo (chef de chœur), Orchestre national Bordeaux Aquitaine, John Fiore (direction musicale)
Christopher Alden (mise en scène), Charles Edwards (décors), Sue Wilmington (costumes), Adam Silverman (lumières)


(© Alastair Muir)


Il est des ouvrages dont la réputation excède largement la fréquence avec lesquels ils sont programmés. A cette aune, Norma constitue un exemple archétypal, du moins du point de vue de la réticence avec laquelle on le met en scène, au nom de la rétivité de l’opus de Bellini à se soumettre aux exigences théâtrales – ce qui au demeurant vaut pour le reste de sa production. La gageure supplémentaire dans cette histoire de druides et de prêtresses tient au risque, souvent avancé, de verser dans le péplum.


La production que Bordeaux a importé d’Opera North et de Chemnitz, primée au demeurant en Angleterre en 2012, évite cet écueil: Christophe Alden a choisi de transposer l’action dans un village de colons américains, à une époque que l’on peut supposer contemporaine de la composition de l’œuvre. Toute de bois revêtue, la scénographie de Charles Edwards se distingue par une évidente cohérence, avec pour pivot central un tronc d’arbre où sont gravées serments et runes, qui, au fil des rotations et mouvements commandées du haut des cintres prendrait presque l’allure d’un index pointé vers le destin, avant de servir de tremplin pour le bûcher final, allumé à l’aide d’un bidon d’hydrocarbure. La translation chronologique peut se lire comme une mise en parallèle des histoires françaises et américaines, où les pionniers de la seconde jouent un rôle semblable à la Gaule pour la première, celui d’un imaginaire fondateur d’une nation.


Pour discutables que puissent être considérées de telles prémisses, elles ne constituent nullement un obstacle à la compréhension du drame, recentré de manière opportune autour de l’héroïne éponyme et de ses sentiments, reléguant le décorum religieux au second plan. L’incarnation d’Elza van den Heever n’y est sans doute pas étrangère. La soprano sud-africaine démontre une puissance impérieuse, où la passion tient aisément lieu d’aura sacerdotale. L’endurance requise ne l’effraie aucunement, et son engagement ignore les faiblesses. L’éclat comme l’homogénéité au fil de la soirée achèvent de brûler des planches qui résonnent au diapason de l’enthousiasme du public à l’issue d’une prise de rôle, augurant favorablement de son Elisabeth de Valois à la rentrée sur cette même scène du Grand Théâtre.


En Pollione, Andrea Carè affirme son expérience indéniable dans un rôle qu’il endosse depuis bientôt une décennie. Le ténor italien n’élude pas les contradictions de son personnage, et la précision de son articulation idiomatique s’approche de la constance. Celle de James Creswell en Oroveso se révèle tout à fait accomplie, avec une présence et un galbe dans les basses également appréciables. Jennifer Holloway retient l’attention: son Adalgisa ne se contente pas de la couleur vocale, et offre dans sa confrontation avec Norma un intéressant avatar d’émulation expressive. Marie Karall ne démérite aucunement en Clotilda, où l’on décèlera des indices prometteurs, tandis que les interventions de Daniele Manischalchi, peut-être exposé plus que de coutume, appelleront davantage de réserves. Préparés par Salvatore Caputo, les chœurs exhibent une admirable puissance, quand la direction de John Fiore s’attache essentiellement à soutenir le rythme dramatique, ce en quoi l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine lui donne la réponse attendue.


Il ne saurait être question d’achever cette recension sans dire un mot de la prochaine saison bordelaise, la dernière de Thierry Fouquet à la tête d’une institution qu’il a dirigée pendant vingt ans et qu’il a maintenue au premier rang des théâtres lyriques français. La tribune offerte à Elza van der Heever en témoigne, et, outre le Don Carlos déjà évoqué, on retiendra, fin octobre, un Samson et Dalila dirigé, en concert, par le déjà justement salué directeur musical Paul Daniel, avant la redécouverte, en novembre, des Chevaliers de la table ronde d’Hervé avec la compagnie Les Brigands. Le chef anglais sera également à la baguette de l’autre point d’orgue de cette ultime saison, Simon Boccanegra en janvier-février, où Catherine Marnas, la directrice du Théâtre national Bordeaux Aquitaine fera ses premiers pas sur une scène d’opéra. L’agenda mélomane n’oubliera pas les bords de Garonne...



Gilles Charlassier

 

 

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