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Un philtre envoûtant

Geneva
Bâtiment des Forces Motrices
05/21/2015 -  et 22, 26*, 27, 28, 29, 30, 31 mai 2015
Joëlle Bouvier : Salue pour moi le monde ! d’après Tristan und Isolde sur des musiques de Richard Wagner
Ballet du Grand Théâtre de Genève
Emilie Roy (scénographie), Sophie Hampe (costumes), Renaud Lagier (lumières), Emilio Urbina, Rafael Pardillo (assistants à la chorégraphie)


(© GTG/Gregory Batardon)


Wagner a toujours séduit les chorégraphes. Nombreux sont en effet les ballets inspirés par les œuvres du maître de Bayreuth, sur sa musique ou non d’ailleurs. L’exemple le plus emblématique est bien sûr celui de Maurice Béjart, qui se plaisait à dire qu’il avait été « nourri au biberon Wagner ». Inversement, pour le compositeur, la danse a toujours occupé une place de choix dans sa conception du Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale). Il suffit de penser à Rienzi, son troisième opéra, qui doit une bonne part de son succès à ses scènes de ballet. Ou à Tannhäuser et à sa célèbre Bacchanale, Tannhäuser qui a, soit dit en passant, été mis en scène par une célèbre chorégraphe, Sasha Waltz, à Berlin l’année dernière, avec le succès que l’on sait.


Lorsque Philippe Cohen, directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève, a proposé à Joëlle Bouvier de monter un spectacle pour sa compagnie, c’est Tristan und Isolde qu’il lui a suggéré. La chorégraphe, qui avait déjà présenté sa version de Roméo et Juliette ici-même en 2009, avait, elle, très envie de créer un ballet sur La Traviata. Qu’à cela ne tienne, elle a accepté le défi avec enthousiasme, quand bien même peu familière de l’univers wagnérien. Son travail a commencé par le choix des extraits, sélectionnés parmi les 5 heures de musique de l’opéra : « J’ai cassé le vase sublime de Wagner pour en reconstituer une forme miniature, un reflet resserré, condensé. »


Le pari est brillamment réussi : en une heure et demie, Joëlle Bouvier raconte l’histoire tragique des deux amants en mêlant passion à fleur de peau, émotion et poésie. « Salue pour moi le monde ! » (Grüss mir die Welt) est la réplique d’Isolde à sa servante Brangäne lorsque cette dernière lui tend le philtre d’amour qu’elle croit être un philtre de mort. Dans un univers onirique épuré, rehaussé de seulement quelques accessoires (des voiles, des bâtons, des planches et un grand escalier mobile), la chorégraphe dessine une grande fresque lyrique, dont le début s’apparente aux rushes d’un film, avec de très courtes séquences entre des instants de noir total. Saisissant. Joëlle Bouvier est restée très proche de l’intrigue, fidèle au déroulement chronologique et au livret. On aurait aimé qu’elle prenne parfois plus de distance et de liberté, comme dans la scène où elle réunit Isolde, Tristan et le roi Marke pour un triangle amoureux enflammé et d’une folle sensualité. Peut-être le plus beau moment de ce spectacle envoûtant, avec celui de la lente agonie de Tristan, d’une beauté et d’une pureté à couper le souffle, qui n’est pas sans rappeler les dernières heures du Christ.



Claudio Poloni

 

 

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