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Haut en couleur et en voix

Versailles
Opéra royal
05/05/2015 -  et 6 mai 2015
Jean-Philippe Rameau: Dardanus
Karina Gauvin (Vénus), Gaëlle Arquez (Iphise), Mathias Vidal (Dardanus), Florian Sempey (Anténor), Nahuel Di Pierro (Isménor, Teucer), Katherine Watson (Amour, Un songe, Une Phrygienne), Etienne Bazola (Un Phrygien), Virgile Ancely (Un songe), Guillaume Guttiérez (Un songe), Jean-David Ndong Ondo (Le dieu Mars, Le monstre), Caitlin Scranton, Christiana Axelsen, Megan Madorin, Jennifer Jones, Jason Collins, Kyle Gerry, Andrew Champlin, Tyner Dumortier (danseurs)
Ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon (direction musicale)
Michel Fau (mise en scène), Emmanuel Charles (décor), David Belugou (costumes), Joël Fabing (lumières), Pascale Fau (maquillages et masques), Christopher Williams (chorégraphie)


(© Frédéric Desmesure)


Pour leur première production scénique depuis le début de leur résidence en région Aquitaine cette saison, Raphaël Pichon et l’Ensemble Pygmalion sont restés fidèles à leur Rameau et ont fait monter Dardanus sur les planches du Grand-Théâtre de Bordeaux, dans un spectacle réglé par Michel Fau, et qui s’exporte le temps de deux soirs à l’Opéra royal de Versailles. A l’affiche également dans la reprise de sa Ciboulette salle Favart où il revêt par ailleurs la robe de la comtesse de Castiglione, parodiant délicieusement les tics des divas, le metteur en scène français propose dans l’ouvrage de Rameau une fantaisie visuelle colorée, prenant le baroque au pied de l’esprit plutôt que de la lettre. Si nul n’omet la perruque de rigueur, les modes valsent avec délectation autant que l’extravagance des plumes, entre le vert pimpant d’Anténor et d’Isménor, ou l’outremer de Teucer, rappelant sans pour autant la reconstituer l’imagination du siècle des Lumières.


C’est ainsi que la débauche de cartons-pâtes des décors d’Emmanuel Charles n’a rien d’une bonbonnière muséale. La reproduction de loges de théâtre signale certes par ses bleus et blancs qu’elle a été conçue comme un miroir de la salle bordelaise; elle s’insère cependant plutôt heureusement dans l’édifice de Gabriel. On pourra trouver la dynamique du Prologue un peu trop progressive. La magie du deuxième acte, qui emprunte sa rhétorique aux Enfers – le parallèle avec Hippolyte et Aricie n’a rien d’infondé – dissout en revanche toute réserve. L’humour comme l’intelligence et le jeu d’illusions ne manquent pas, sans avoir besoin d’être soulignés – relevons le clin d’œil d’Isménor sous ses lunettes noires, au diapason du texte, Dardanus en double du magicien, ou encore la toile de fond bleu nuit à fleurs de lys. Doucement teinté de mélancolie, le sourire n’en devient que plus irrésistible, et la conclusion à l’enseigne d’un squelette orant ne le démentira pas.


D’aucuns pourraient discuter les mérites visuels, mais non ceux du plateau vocal, qui révèle enfin que Rameau ne saurait être interdit aux véritables gosiers. Tous seraient à applaudir, et pour entrer dans le détail, commençons par le rôle-titre, tenu par Mathias Vidal avec éclat et un indéniable sens du style et de l’affect. Ce dernier ne fait point défaut à Gaëlle Arquez, voix ample pour Iphise, où elle maîtrise davantage les tentations métalliques de son timbre que le dramatisme de Phébé sollicitait peut-être un peu trop à Toulouse plus encore qu’à Dijon. Anténor puissant à la diction impeccable, Florian Sempey se confirme comme l’un des meilleurs barytons de la nouvelle génération, et on ne serait nullement surpris de le voir aborder bientôt les grands rôles du romantisme français. Nonobstant quelques articulations à la précision perfectible, Nahuel Di Pierro fait belle impression en Isménor et Teucer, où s’affirment une autorité et une plénitude naturelles. Premier personnage à apparaître sur scène, Karina Gauvin réserve une Vénus gourmande.


Le reste de la distribution ne démérite aucunement. Amour plein de saveur, Katherine Watson s’apparie en Songe à Virgile Ancely et Guillaume Guttiérez, tandis qu’Etienne Bazola incarne un Phrygien honnête. Outre des chœurs préparés avec soin, l’Ensemble Pygmalion respire, sous la baguette de Raphaël Pichon, une intime connaissance de l’esthétique ramiste. L’assurance gagnée au fil de l’expérience permet au chef français de libérer une théâtralité nouvelle, perceptible dans la dynamique des textures comme la ponctuation des silences. Qui a dit que Rameau se portait mal à la scène?



Gilles Charlassier

 

 

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