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Berlin dans Mahler

Berlin
Philharmonie
04/23/2015 -  et 24*, 25 avril 2015
Heinz Karl Gruber : Aerial
Gustav Mahler : Symphonie n° 5 en ut dièse mineur

Håkan Hardenberger (trompette)
Berliner Philharmoniker, Andris Nelsons (direction)


A. Nelsons (© Marco Borggreve)


Ce programme, donné à trois reprises par Andris Nelsons et le Philharmonique de Berlin dans la grande salle de la Philharmonie, sera sans aucun doute analysé avec le plus grand soin par tous les journalistes musicaux, mélomanes et musicologues du monde. Car, à moins de trois semaines de la désignation par l’orchestre de celui qui, en 2018, succèdera à Sir Simon Rattle à la tête de la prestigieuse phalange, le nom d’Andris Nelsons (né en 1978) fait partie de ceux qui sont assez fréquemment cités. En outre, lorsqu’il avait pris la succession de Claudio Abbado, Simon Rattle avait inauguré son premier mandat avec un programme associant une œuvre contemporaine de Thomas Adès (Asyla) et... la Cinquième symphonie de Mahler: autant dire que le parallèle est trop facile à faire pour ne pas susciter aujourd’hui quelques conjectures!


La première partie du concert était consacrée à un concerto pour trompette, percussions et orchestre du compositeur autrichien Heinz Karl Gruber (né en 1943) intitulée Aerial (1998-1999), et dont le dédicataire n’est autre que le soliste de la soirée, Håkan Hardenberger. Créée à Londres le 29 juillet 1999 dans le cadre des Proms par Hardenberger et l’Orchestre symphonique de la BBC (placé sous la direction de Neeme Järvi), cette pièce se subdivise en deux parties: la première, inspirée d’un poème d’Emily Dickinson, instaure une atmosphère qui oscille entre le lugubre et les brumes nordiques, tandis que la seconde est dansante et adopte volontiers, en quelques endroits épars, un style proche du jazz. Aerial requiert non seulement un orchestre pléthorique (orchestre symphonique étendu à des saxophones, une myriade de percussions, un piano...) mais aussi un soliste virtuose qui alterne entre trois instruments puisqu’il utilise aussi bien une trompette en ut qu’une trompette piccolo en si bémol (utilisée notamment dans le Deuxième Brandebourgeois de Bach) et même une corne de vache, l’instrumentiste devant également jongler avec nombre de sourdines. A ce jeu-là, le trompettiste suédois est le soliste idéal! Chemise à col ouvert, adoptant presque une attitude de dandy, Hardenberger fait preuve, dans la première partie, d’une maîtrise de son souffle assez impressionnante, le son passant de l’éclat au filet le plus mince, jouant alternativement des trois instruments mis à sa disposition – on se posera d’ailleurs la question de l’intérêt de recourir à une corne pendant moins d’une minute, l’usage aussi bien que les sonorités de cet instrument nous ayant laissé quelque peu perplexe – et devant même parfois changer les tuyaux de sa trompette en ut afin d’en modifier la tessiture. Si la première partie nous laisse quelque peu dubitatif, la seconde s’apparente à un véritable capharnaüm orchestral, la cohérence n’apparaissant que par bribes (le dialogue entre la trompette et la clarinette en mi bémol, les tutti orchestraux, les passages volontairement jazzy), le compositeur ayant visiblement davantage insisté sur la rythmique et les timbres que sur la mélodie proprement dite. Aussi, les applaudissements qui conclurent cette première partie et qui s’adressaient aussi bien au soliste qu’à l’orchestre et au compositeur, qui a fini par rejoindre sur scène Håkan Hardenberger et Andris Nelsons, (lui-même ancien trompettiste au sein de l’orchestre de l’Opéra de Lettonie!, saluaient-ils à notre sens davantage la performance des instrumentistes que l’œuvre en elle-même.


Si la trompette a été au centre de la première partie du concert, c’est également par une trompette que s’ouvrait la seconde, le premier mouvement de la Cinquième Symphonie (1901-1902) de Mahler étant en effet lancé par les appels solennels de la trompette solo, tenue ce soir par l’irréprochable Tamás Velenczei. Andris Nelsons, qui a récemment fait montre de ses talents dans la difficile Sixième Symphonie, s’est affirmé ce soir comme un maître d’œuvre pour diriger cette Cinquième, dont la première interprétation par le Philharmonique remonte à presque 110 ans jour pour jour, celle-ci ayant en effet eu lieu le 20 février 1905 sous la direction d’Arthur Nikisch. Tantôt de sa baguette (passée en plus d’une occasion de la main droite à la gauche), tantôt avec les seules mains (pour l’Adagietto), n’hésitant pas à multiplier les moulinets de ses bras ou une gestique parfois spectaculaire, Nelsons se pose d’emblée dans un premier mouvement volontaire où les forces du Philharmonique de Berlin jouent à plein. Mais c’est sans doute dans le deuxième mouvement, où le chef est pourtant le moins convaincant en raison notamment de quelques baisses de tension, que les Berliner se conforment le plus à leur légende grâce à des pupitres de cordes (violoncelles, contrebasses et altos principalement) incroyables de force, d’engagement et de cohésion. Dans le Scherzo: Kräftig nicht zu schnell, c’est ensuite une des stars de l’orchestre, le corniste Stefan Dohr, qui est à l’honneur: la salve d’applaudissements et de bravos lancés à son attention par le public au moment des saluts n’était que méritée, tant la maîtrise par Dohr de son solo fut impressionnante (plus largement, le pupitre des six cors fut excellent d’un bout à l’autre de la symphonie). Ce troisième mouvement fut d’ailleurs un moment particulièrement réussi grâce à un Andris Nelsons s’engageant avec conviction dans ce rythme à trois temps de valse qui tourne parfois à l’aigre ou au sarcastique, n’hésitant pas à danser lui-même sur son podium, les musiciens répondant à cette invitation avec entrain. Puis vint évidemment l’Adagietto où, là encore, les cordes berlinoises adoptèrent un jeu idéal, les accents de la harpe de Marie-Pierre Langlamet étant au diapason de l’atmosphère presque irréelle instaurée par le chef letton, avant que le dernier mouvement ne se conclut par une explosion sonore là encore incroyable.


Salués par un public conquis, l’Orchestre philharmonique de Berlin et Andris Nelsons, qui revint ensuite seul sur scène pour être encore une fois ovationné par un très grand nombre de spectateurs restés dans la salle, furent conformes à ce que l’on était en droit d’attendre d’eux: quel orchestre! Quel chef! Attendons maintenant le 11 mai pour voir ce qu’il en sera mais nul doute que, depuis ses débuts à la tête des Berliner Philharmoniker le 16 octobre 2010 dans un programme associant Berg et Chostakovitch, on n’a pas fini de le voir dans la capitale allemande.


Le site d’Andris Nelsons
Le site de Håkan Hardenberger
Le site de l’Orchestre philharmonique de Berlin



Sébastien Gauthier

 

 

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