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Un projet enfin concrétisé

Bruxelles
La Monnaie
03/31/2015 -  et 2, 4, 7, 9, 12*, 14, 16, 18 avril 2015
Pascal Dusapin: Penthesilea
Natascha Petrinsky (Penthesilea), Marisol Montalvo (Prothoe), Georg Nigl (Achilles), Werner Van Mechelen (Odysseus), Eve-Maud Hubeaux (Oberpriesterin), Wiard Witholt (Bote), Yaroslava Kozina (Botin), Marta Beretta (Amazone)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Franck Ollu (direction)
Pierre Audi (mise en scène), Berlinde De Bruyckere (décors), Jean Kalman (éclairages), Wojciech Dziedzic (costumes), Mirjam Devriendt (vidéo), Thierry Coduys (électro-acoustique)





A la fin des années 1970, Harry Halbreich a suggéré à Pascal Dusapin (né en 1955) de mettre en musique la dernière scène de Penthesilea de Heinrich von Kleist (1777-1811). Une nouvelle commande de la Monnaie lui a permis d’enfin concrétiser ce projet. Le compositeur marche ainsi sur les pas de Hugo Wolf et d’Othmar Schoeck, auteurs, respectivement, d’un poème symphonique et d’un opéra inspirés de cette pièce dont la violence avait horrifié Goethe. Il a rédigé le livret en allemand avec Beate Haeckl, abandonnant des personnages et des événements de moindre importance. Comme l’indique le programme, la syntaxe et le vocabulaire ont été simplifiés et modernisés – le trivial « putain » apparait d’ailleurs au moins deux fois dans le sous-titrage. Les spécialistes de Kleist jugeront eux-mêmes de la pertinence de cette adaptation mais la musique traduit, en tout cas, la cruauté du sujet – Penthésilée, reine des Amazones, dévore Achille avant de se tuer.


La durée (une heure et demi) de cet opéra d’un seul tenant et l’importance écrasante du rôle-titre évoquent Elektra. Expressive et évocatrice, brute et sans pathos, rude mais parfois consonante, la musique se caractérise cependant par une violence moins abrupte et plus intériorisée que dans l’opéra de Strauss, l’uniformité apparente, mais en réalité complexe, de la masse sonore rappelant Varèse et Xenakis. L’orchestration confère à la musique un aspect compact, bien que des instruments émergent de temps à autres, notamment la harpe, qui chante une mélopée au début, et le cymbalum, qui apporte une couleur inattendue dans un tel contexte. Le style vocal évolue entre la parole et le chant, les choristes se chargeant d’une partie importante, résurgence du chœur antique. L’usage parcimonieux du dispositif électro-acoustique de Thierry Coduys, aux effets suggestifs, n’amoindrit pas la valeur de cette œuvre de maturité et de belle facture, malgré quelques passages éclatants à l’esthétique douteuse.



(© Forster/La Monnaie)


La Monnaie a été confrontée à quelques imprévus. Pierre Audi remplace Katie Mitchell suite à son désistement et Berlinde De Bruyckere conçoit les décors à la place de Lizzie Clachan. La mise en scène laisse une impression mitigée. Peu audacieuse et recourant presque systématiquement au ralenti, elle suggère, plutôt qu’elle ne montre, la cruauté et la violence (la flèche tuant Achille est invisible). Les personnages se détachent mais leur psychologie demeure rudimentaire, à l’exception du rôle-titre, plus creusé. Malgré la cohérence de la production, le sujet invite à davantage d’audace. Le spectacle se détourne de la mythologie antique : les costumes et des tôles suggèrent un monde post-apocalyptique. Le travail de Berlinde De Bruyckere constitue en définitive le seul élément véritablement original de cette scénographie dominée par le noir. L’artiste a traité des peaux de chevaux, entreposées sur des palettes, mais cette installation au pouvoir métaphorique intéressant ne comble pas l’espace.


Il a aussi fallu remplacer Ludovic Morlot. La Monnaie ne prend aucun risque avec Franck Ollu, un mois après Jakob Lenz: rompu au répertoire contemporain, le chef français, qui a dirigé la création de Passion, le précédent opéra de Dusapin, obtient d’un orchestre parfaitement à l’aise dans cet idiome une exécution tendue, canalisée et précise. Tirant avantage de son physique et de sa voix, puissante, sombre et percutante, Natascha Petrinsky incarne une Penthésilée à la fois incandescente, rageuse et vulnérable. Marisol Montalvo, en revanche, passe moins aisément au-dessus de l’orchestre mais la soprano compose une Prothoé convaincante tandis qu’Eve-Maud Hubeaux interprète une Grande Prêtresse imposante et inquiétante. Georg Nigl assure une prestation digne d’éloge mais son incarnation d’Achille est moins impressionnante que celle de Jakob Lenz le mois dernier. En revanche, le rôle d’Ulysse ne permet pas à l’excellent Werner van Mechelen d’exploiter tout son potentiel.



Sébastien Foucart

 

 

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