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Epure scénique et excellence orchestrale

Bordeaux
Auditorium Dutilleux
03/26/2015 -  et 29 mars, 1er, 4*, 8 avril 2015
Richard Wagner : Tristan und Isolde
Eric Caves (Tristan), Nicolas Courjal (Le roi Marke), Alwyn Mellor (Isolde), Brett Polegato (Kurwenal), Guillaume Antoine (Melot), Janina Baechle (Brangäne), Simon Bode (Le Berger, Le jeune matelot), Jean-Marc Bonicel (Le pilote)
Chœurs d’hommes de l’Opéra national de Bordeaux, Salvatore Caputo (chef de chœur), Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Paul Daniel (direction musicale)
Giuseppe Frigeni (mise en scène, scénographie et lumières), Lili Kendaka (costumes)


(© Frédéric Desmesure)


Peu de maisons échappent à la tentation wagnérienne, et Bordeaux n’y fait pas exception. Si les conditions pouvaient s’avérer problématiques avec la fosse réduite du Grand-Théâtre, et plus encore avec les conditions acoustiques pour le moins discutables du Palais des sports, l’inauguration de l’Auditorium a enfin ouvert de nouvelles perspectives, en particulier d’un point de vue musical. Certes, la salle n’a sans doute pas été d’abord conçue comme un lieu scénique. Juliette Deschamps dans Le Château de Barbe-Bleue l’an dernier a cependant su tirer parti des contraintes singulières, et pour sa nouvelle production de Tristan et Isolde, Giuseppe Frigeni a su relever le défi avec autant d’habilité que de poésie.


Si sa lecture ne se distingue pas par une originalité iconoclaste, le décor naval de gris boisé et ses hublots habille remarquablement le plateau, et utilise ingénieusement les niveaux supérieurs pour le guet bienveillant de Brangäne, celui, vengeur, de Melot, ou encore l’arrivée du roi Marke. L’espace se trouve ainsi optimisé, et, malgré d’irréductibles lacunes, réussit la gageure d’envelopper le spectateur. La maîtrise impeccable des lumières n’y est pas innocente, et le metteur en scène italien se montre dans ce registre le digne disciple de Robert Wilson, quand la gestuelle économe et hiératique emprunte au vocabulaire du maître d’une manière çà et là plus imitatrice que continuatrice – la réussite s’y révèle diverse, à l’instar de la main évocatrice en suspension au-dessus du philtre, tandis que le combat avec Melot, aveuglant, cède un peu trop au pouvoir du signifié, comme, d’ailleurs le très esthétisant troisième acte.


L’ensemble constitue un bel écrin pour la partition de Wagner. Les deux protagonistes principaux témoignent de la difficulté à les distribuer. Eric Caves appartient à ces Tristan plus humains qu’héroïques. Quoique non sans reproche, le ténor américain fait preuve de métier et de prudence, ménageant parfois les deux premiers actes pour assumer le troisième. Alwyn Mellor confirme qu’Isolde doit régulièrement choisir entre le timbre et l’endurance. Pour garantir la seconde, les couleurs de la soprano anglaise sacrifient souvent au métal. On sera en revanche tout à fait convaincu par le Kurwenal robuste, presque rocailleux de Brett Polegato, autant que par la Brängane plus souple qu’impérieuse de Janina Baechle. En roi Marke, Nicolas Courjal recueille de justes lauriers – présence évidente, legato remarquable, timbre charnu mais pas encore paternel. Le Melot de Guillaume Antoine s’avère nettement plus en demi-teintes. Simon Bode s’échauffe en Matelot pour incarner un Berger sensible. Mentionnons également l’intervention du Pilote confiée à Jean-Marc Bonicel, ainsi que les chœurs d’hommes de la maison, préparés par Salvatore Caputo.


Mais le grand vainqueur de la soirée demeure l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine. Les progrès de la phalange depuis l’arrivée de Paul Daniel à la direction musicale s’entendent dans la cohésion d’ensemble, les textures, qui ont gagné en homogénéité comme en richesse – les cordes en particulier se sont singulièrement bonifiées, et les cuivres affirment désormais une belle constance. Le chef anglais équilibre avec finesse sonorité et énergie dramatique, hissant la formation bordelaise au niveau des plus intéressantes fosses wagnériennes de l’Hexagone.



Gilles Charlassier

 

 

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